« Bon ben pour commencer,
moi, j’vais faire un gros pipi, hein… »
C’est l’histoire de Marie (Anouk Grinberg), une prostituée indépendante, qui découvre un SDF (Gérard Lanvin) dormant dans le hall de son immeuble. Elle lui offre l’hospitalité puis en tombe amoureuse et lui propose de devenir son proxénète.
Voilà donc le film qu’Anouk
Grinberg aurait tourné sous la contrainte et « l’emprise » de Bertrand
Blier, son compagnon d’alors, malgré son refus initial. Il est regrettable - pour
tout le monde - que ce genre d’affaires ne sortent que des décennies plus tard,
parfois même, comme dans le cas présent, quand la personne incriminée est
décédée. De là à dire que le réalisateur a fait « de l’humiliation des femmes
un divertissement », je trouve ça un peu exagéré. Certes, jusqu’en ces
années 90, il y a eu quelques mains un peu lestes sur les corps féminins mais
derrière l’apparente misogynie, on sent aussi un grand amour, peut-être
maladroit, pour les femmes. Quoi qu’il en soit, j’ai enfin trouvé ce film, l’un
des derniers Blier que je n’avais pas vu (reste son premier, Si j'étais un
espion, tandis que Beau-père, de par sa thématique assez… particulière, ne me
branche pas du tout), à un prix « raisonnable » sur Vinted (30 euros
tout de même mais ça monte jusqu’au double ou au triple). Et je ne regrette
pas. Comme j’ai dû le dire précédemment, chez Blier, il y a toujours quelque
chose à « picorer ». Des « bons mots » poético-comiques,
des situations loufoques, provocantes et dérangeantes, le jeu des comédiens… Il
y a tout ça ici aussi. Formellement, on est dans la continuité de sa « trilogie
Grinberg », après Merci la vie et Un, deux, trois, soleil mais il livre là
son film le plus noir, âpre et rugueux. Ce qui ne passe pas auprès du public et
de la critique… « à moins d’être un réalisateur iranien ou polonais »,
explique-t-il malicieusement dans l’interview bonus. Le plus érotique aussi (un
choix délibéré) même si au final, il n’y a qu’une scène de sexe, un peu
longuette il est vrai, entre Grinberg et Lanvin (et une autre, plus rapide et
comique, avec Jacques Gamblin). Quelques années avant Les acteurs (2000), Blier
fait défiler une belle galerie de brèves apparitions, dans des rôles de clients :
Gamblin donc mais aussi Darroussin, Galabru, Kassovitz, Jacques François ou
encore Jean-Pierre Léaud. J’ai surtout apprécié la prestation de Sabine Azéma,
le temps de deux scènes et celle au bar de la boite de nuit entre Grinberg et Valeria
Bruni Tedeschi, sur fond de Barry White, malgré quelques répliques
incompréhensibles (un mal français, qu’on retrouve d’ailleurs épisodiquement tout
au long du film). Quant à Lanvin, il est dans son registre habituel de mec
bourru à grande gueule, pas mauvais fond mais avec toujours une violence
sous-jacente et cette incapacité chronique à sourire. En conclusion, ce film
vient confirmer que je suis assez friand de ce qui est le plus controversé chez
le cinéaste (ses années 90 ou Les côtelettes) et je ne le remercierai jamais
assez pour avoir su tracer cette voie si originale, malgré ses imperfections et
ses redites, dans un cinéma français trop souvent sclérosé.
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