vendredi 19 septembre 2025

Mon homme (1996), de Bertrand Blier

 

« Bon ben pour commencer, moi, j’vais faire un gros pipi, hein… »

C’est l’histoire de Marie (Anouk Grinberg), une prostituée indépendante, qui découvre un SDF (Gérard Lanvin) dormant dans le hall de son immeuble. Elle lui offre l’hospitalité puis en tombe amoureuse et lui propose de devenir son proxénète.

Voilà donc le film qu’Anouk Grinberg aurait tourné sous la contrainte et « l’emprise » de Bertrand Blier, son compagnon d’alors, malgré son refus initial. Il est regrettable - pour tout le monde - que ce genre d’affaires ne sortent que des décennies plus tard, parfois même, comme dans le cas présent, quand la personne incriminée est décédée. De là à dire que le réalisateur a fait « de l’humiliation des femmes un divertissement », je trouve ça un peu exagéré. Certes, jusqu’en ces années 90, il y a eu quelques mains un peu lestes sur les corps féminins mais derrière l’apparente misogynie, on sent aussi un grand amour, peut-être maladroit, pour les femmes. Quoi qu’il en soit, j’ai enfin trouvé ce film, l’un des derniers Blier que je n’avais pas vu (reste son premier, Si j'étais un espion, tandis que Beau-père, de par sa thématique assez… particulière, ne me branche pas du tout), à un prix « raisonnable » sur Vinted (30 euros tout de même mais ça monte jusqu’au double ou au triple). Et je ne regrette pas. Comme j’ai dû le dire précédemment, chez Blier, il y a toujours quelque chose à « picorer ». Des « bons mots » poético-comiques, des situations loufoques, provocantes et dérangeantes, le jeu des comédiens… Il y a tout ça ici aussi. Formellement, on est dans la continuité de sa « trilogie Grinberg », après Merci la vie et Un, deux, trois, soleil mais il livre là son film le plus noir, âpre et rugueux. Ce qui ne passe pas auprès du public et de la critique… « à moins d’être un réalisateur iranien ou polonais », explique-t-il malicieusement dans l’interview bonus. Le plus érotique aussi (un choix délibéré) même si au final, il n’y a qu’une scène de sexe, un peu longuette il est vrai, entre Grinberg et Lanvin (et une autre, plus rapide et comique, avec Jacques Gamblin). Quelques années avant Les acteurs (2000), Blier fait défiler une belle galerie de brèves apparitions, dans des rôles de clients : Gamblin donc mais aussi Darroussin, Galabru, Kassovitz, Jacques François ou encore Jean-Pierre Léaud. J’ai surtout apprécié la prestation de Sabine Azéma, le temps de deux scènes et celle au bar de la boite de nuit entre Grinberg et Valeria Bruni Tedeschi, sur fond de Barry White, malgré quelques répliques incompréhensibles (un mal français, qu’on retrouve d’ailleurs épisodiquement tout au long du film). Quant à Lanvin, il est dans son registre habituel de mec bourru à grande gueule, pas mauvais fond mais avec toujours une violence sous-jacente et cette incapacité chronique à sourire. En conclusion, ce film vient confirmer que je suis assez friand de ce qui est le plus controversé chez le cinéaste (ses années 90 ou Les côtelettes) et je ne le remercierai jamais assez pour avoir su tracer cette voie si originale, malgré ses imperfections et ses redites, dans un cinéma français trop souvent sclérosé. 

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