jeudi 13 novembre 2025

Tango (1993), de Patrice Leconte

« Tu vas voir comme on va être bien. On mangera le gras de la viande, la peau du poulet, les pommes de terre au beurre. Alors bien sûr, on grossira. Mais quelle importance, puisqu’on n’aura plus personne à séduire ? On s’ra entre nous. On se racontera des histoires de cul, on autorisera les gros mots au Scrabble, on fera des concours de bites… Il nous arrivera d’péter. »

« Regarde ceux-là, il lui a fait trois enfants, c’est foutu. Il pourra plus jamais prendre le large, s’amuser, s’aérer… »

C’est l’histoire de Paul (Thierry Lhermitte), trompé par sa femme Marie (Miou-Miou), qui le quitte. Ne pouvant vivre ni avec ni sans elle, il souhaiterait sa mort, ça le soulagerait. C’est là qu’entre en jeu son oncle dit « l’Elégant » (Philippe Noiret), un juge d’instruction qui, par compassion, avait fait acquitter il y a quelques années Vincent (Richard Bohringer), pourtant coupable du meurtre de sa femme (Michèle Laroque) et de son amant. Usant d’un chantage, il force Vincent à tuer Marie. Voici les trois hommes partis sur les routes à la recherche de l’épouse à éliminer.

Flatuler (ce tue-l’amour rédhibitoire…) en toute sérénité n’est pas le moindre des avantages du célibat (et je sais de quoi je parle, j’ai un demi-siècle d’expérience dans le domaine), comme nous le montre par l’exemple Noiret dans ce film qui aurait pu s’appeler « Bienvenue chez les MGTOW ». Déception toute relative pour ce Tango dont j’attendais beaucoup, sans doute trop. La faute à un manque d’idées évident, la durée du métrage, d’un peu moins que les 90 minutes réglementaires, étant déjà un (mauvais) signe. Film sous très haute influence Bertrand Blier, parfaitement revendiquée par Leconte dans les bonus mais que Lhermitte vient nuancer : « On peut pas confondre. Blier, c’est acide, souvent cynique, mordant. Ici, c’est charmant, toujours et c’est joli ». Rien que le postulat de départ, absurde… Un homme ne peut pas vivre sans ni avec sa femme, alors y’a qu’à la zigouiller. Du Blier pur jus. Mais le scénar, ou plutôt sa « mise en musique », ça coince un peu : près de vingt minutes d’introduction, pour raconter le double meurtre de Bohringer (un peu rude, d’ailleurs, pas très drôle comme entrée en matière pour une comédie…), c’est autant qui manqueront pour l’intrigue principale. Et ensuite, au gré de l’inspiration, on s’attarde ou on accélère, on filme des scènes d’aviation à rallonge pour meubler... En revanche, pas grand-chose à reprocher au casting, ni aux dialogues. Miou-Miou fait des apparitions sporadiques (une scène sans utilité narrative où Lhermitte la rêve, comme si son contrat prévoyait un quota de minutes à l’écran à respecter). « L’Elégant », typiquement le genre de rôle qui va à ravir à Noiret. Evidemment, c’est lui qui a les meilleures répliques (je vous en ai livré deux en préambule) et l’écouter les dire de son ton pédant et précieux, c’est jouissif, du petit lait. Du coup, Lhermitte (avec qui il avait tourné les deux premiers Ripoux), un acteur que je n’ai jamais trouvé extraordinaire, sans doute le moins bon de la troupe du Splendid et, à un degré moindre, Bohringer et sa voix rauque (qui s’est senti un peu à l’écart face à cette complicité) peinent à se hisser à sa hauteur. Dans le reste de la distribution, on remarque Carole Bouquet (toujours en femme fatale inaccessible), la nouvelle passionaria du féminisme 2.0, l’alors toute jeune Judith Godrèche, Michèle Laroque à ses débuts et dans de petites apparitions, Jean Benguigui, Ticky Holgado, Élodie Bouchez et surtout Jean Rochefort, à qui il suffit d’une courte scène pour nous éclabousser de son immense talent. Film en apparence misogyne et évidemment critiqué comme tel à sa sortie mais tout le contraire en réalité, plutôt un réquisitoire ou du moins une moquerie de la lâcheté des hommes (enfin, de certains). Mais tout n’est pas perdu, Leconte racontant que lors d’une diffusion en plein air dans un festival il y a quelques années, les gens avaient beaucoup rigolé et pris le film pour ce qu’il est vraiment. Quant à la possibilité de sortir un tel film de nos jours, Lhermitte avancera des propos bateaux mais pleins de bon sens, du style « pour faire des blagues sur les femmes, il ne faut pas être misogyne, des blagues sur les juifs, il ne faut pas être antisémite et des blagues sur les Noirs, il ne faut pas être raciste » ou « parmi tous les gens qui sont conscients des discriminations et des stigmatisations – et il faut l’être –, il y en a une partie qui n’a aucun humour, c’est comme ça ». Oui, et c'est bien triste...              

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