« Quand je rentre dans une
salle de cinéma, je ressens pas grand-chose. Quand je rentre dans une salle de
théâtre, c'est tout à fait différent. Et puis pour ne rien vous cacher, c'est
pas bien mais je n'y vais plus, pratiquement, au cinéma. Y'a trop de bruit, euh, les gens passent des coups de fil, ils bouffent (ah ah) des popcorns...
Moi je suis ravi qu'on supprime les popcorns au cinéma. (...) On va voir un
film ou on mange, on fait pas les deux, c'est pas, c'est pas, voilà. »
« Ce qui nous fascinait
là-dedans (lui et sa sœur, au cinéma, NDLR), c'était de devenir un autre. C'est
plus compliqué que ça après, parce qu'on s'aperçoit que non seulement on ne
devient pas un autre mais au fond, on passe sa vie à jouer des petits morceaux
de soi qu'on met au service d'un autre qui serait étranger mais qui finalement
ne l'est pas tant que ça. »
« Il est immense, quoi (Cary
Grant, NDLR). Il a une silhouette, il traverse l'espace d'une manière tout à fait
extraordinaire... Toutes choses que je ne saurais jamais faire (soupir). »
« Ca n'a pas pris une ride,
ce film (La mort aux trousses, NDLR). Y'a pas un plan qui sert à rien, y'a
absolument tout ce qu'il faut, on comprend tout. (...) C'est marrant parce que
les deux autres, c'est deux cascadeurs évidemment, ça s'voit tout d'suite...
Ils courent comme des cascadeurs. Cary Grant court comme un acteur, c'est pas
pareil. »
« Moi j'veux bien, si Les
enfants du paradis, c'est un cinéma de « bons fabricants », alors
vive le cinéma des « bons fabricants », voilà, faut arrêter les
conneries, quand même, bon... »
« La Culture, ce n'est pas « ceci
OU cela », c'est « ceci ET cela », voilà. A partir du moment où
on commence à mettre des casiers, on s'appauvrit. Et moi, je n'en ai jamais eu. »
« Regardez comment ces deux
acteurs admirables (Philippe Noiret et Romy Schneider dans Le vieux fusil,
NDLR) vont se r'garder... Ca, je pense que ça ne s'apprend pas. On sait
l'faire. Ou on ne sait pas l'faire. Elle, elle est éblouissante, elle est
merveilleuse, elle est magnifique. Et lui, il la regarde comme quelqu'un... qui
va pénétrer sa vie pour toujours. Pour toujours. (...) Lentement, il est
transpercé par le regard de cette femme... Ca s'apprend pas, ça. Il est en
train de se dire « pourquoi cette femme est là ? Je ne pourrai plus jamais
m'en détacher ». (...) Il a un regard d'enfant, ébloui. Elle se marre
parce qu'elle n'y croit pas et en même temps, elle a envie d'y croire. (...)
Oui, bien sûr, on peut s'brûler, mais... c'est pas l'métier (d'acteur, NDLR)
qui brûle, c'est la vie et ce que l'on fait à l'intérieur de cette vie, c'est
ça qui brûle. Y'a des gens qui le supportent, y'a des gens qui s'en servent et
des gens qui... qui détruisent. Elle (Romy Schneider, NDLR) a fait partie de
cette dernière catégorie. »
« Le premier boulot d'un
acteur, c'est d'abord de savoir qui il est. Il faut s'identifier soi-même.
(...) Le premier matériau de l'acteur, c'est la vie et d'une manière encore
plus précise, la sienne. (...) J'ai fait comme ce trompettiste de jazz, Bill (plutôt
Buck, NDLR) Clayton, quelque chose comme ça, (...) il avait répondu « ben
écoutez, pendant vingt ans, j'ai joué comme Louis Armstrong et puis un jour, je
suis arrivé et j'ai joué comme si Louis Armstrong, c'était moi ». Voilà,
ben ça dit tout. »
« Là, c'est malheureusement
moi (dans Vous n'avez encore rien vu, NDLR). Alors ça s'gâte, là, évidemment,
forcément, hein, parce que... (...) Ben oui, ça, c'est quand même difficile à
r'garder mais qu'est-ce que vous voulez qu’je fasse ? J'peux pas lutter… Entre
le gros plan de Cary Grant et celui-là, cherchez l'erreur. Voilà, bon, c'est
pas grave. En même temps, honnêtement, je jouais pas mal dans le film, j'étais
pas mal, j'étais pas si mal, quoi. (...) Resnais m'a toujours regardé comme si
j'étais un objet précieux dans sa vie et donc je le suis devenu parce qu'il me
regardait comme ça. (...) D'une certaine manière, j'étais investi de quelque
chose de sacré qui était son regard et donc c'était inégalable. Absolument
inégalable. (...) C'est un très beau film, que peu de gens ont vu, ça n'a pas
très bien marché mais c'est un film qui rentrera dans l'histoire du cinéma,
comme tous les Resnais. »
« Beaucoup d'acteurs
français, et j’ne parle pas d'moi, là (...) ont été fascinés par ces acteurs
américains qui avaient une sorte de... Enfin, quand ils rentrent dans un plan,
ils rentrent pas dans un plan, ils rentrent dans la vie, quoi. Ils rentrent
dans leur salon. On sait pas comment ils font ça. Je n'sais pas, moi, je n'sais
pas comment on joue comme ça, je sais pas comment c'est fait. Dustin Hoffman,
De Niro, Pacino, euh... Di Caprio, Brad Pitt. »
« Enfin, y'a Gérard
Depardieu et tous les autres, moi compris. »
« Et voilà l'éblouissant
Gérard (dans Cyrano de Bergerac, NDLR), qui sait tout faire, qui invente tout.
Il s'empare du décor, du texte, du personnage, des autres, de l'intensité de
son œil et surtout de l'extraordinaire poésie de son jeu. Et puis Jean-Paul
Rappeneau... bon, c'est un dingue ! Il est fou, c'est un metteur en scène fou !
Tout est dessiné (...), quand il regarde les acteurs, tout ce que les acteurs
respirent, il le respire et même il le précède. Enfin, c'est un chef-d'œuvre,
ce film, c'est un pur chef-d'œuvre. Y'a pas qu'les Américains qui savent
filmer, hein. Mais le jeu de Depardieu, faudrait pouvoir regarder ça toute sa
vie. On sait pas comment c'est fait, on sait pas comment il joue comme ça, on
sait pas comment on fait pour jouer comme ça, ça n'a aucune espèce
d'importance, le problème n'est pas de savoir comment on fait pour jouer comme
ça, la seule chose, le problème, c'est de pouvoir encore le voir. »
« Si j'avais pas été acteur
dans ma vie, je sais pas c'que j'aurais fait, franchement. Oh, j'aurais
peut-être fini par trouver un autre centre d'intérêt... J'vois pas bien parce
que peintre, j'suis nul, chanteur, j'sais pas... Euh... Quoi... J'sais pas c'que
j'aurais fait... Je serai peut-être devenu un raté... Oh, j'l'aurais pas
supporté, je suis tellement narcissique... »
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