jeudi 29 mai 2025

Le vieux fusil (1975), de Robert Enrico

 

C’est l’histoire d’un chirurgien de province, sous l’Occupation allemande, qui soigne à ses risques et périls des Résistants. Se sentant menacé par la milice, il décide de mettre à l’abri sa femme et sa fille dans son château situé à la campagne. Un jour, allant les retrouver, il y découvre l’horreur…

Y’a qui dedans ? L’un des plus grands acteurs français, Philippe Noiret et l’une des plus belles actrices de l’histoire du cinéma (même s’il y en a quelques-unes), Romy Schneider, qui nous a quitté il y a 43 ans jour pour jour à… 43 ans, sans que son corps sans vie ne soit autopsié (« pour ne pas casser le mythe », dixit le magistrat chargé de l’enquête à l’époque). Jean Bouise joue quant à lui l’ami de ce couple mythique.

Et c’est comment ? Effectivement, un choc. Voilà donc l’un des deux récipiendaires du « César des Césars » en 1985 (Cyrano de Bergerac sera le second dix ans plus tard) et premier lauréat de l’illustre cérémonie en 1976. En s’inspirant du massacre d'Oradour-sur-Glane du 10 juin 1944, Robert Enrico nous emmène dans les tréfonds de la barbarie « humaine » (sic). A ce propos, il serait intéressant de répertorier, dans l’histoire du cinéma, le nombre de films ayant pour cadre et/ou intrigue (principale ou connexe) la Seconde guerre mondiale, ce doit être impressionnant, surtout par rapport au premier conflit mondial, beaucoup moins traité en comparaison (arrêtez-moi si je me trompe)… On en viendrait à se demander de quoi ces films auraient parlé si elle n’avait pas eu lieu (fin de la parenthèse). Pour en revenir au film, de mémoire et en exceptant les films d’horreur (et encore), le supplice enduré par Romy est sans doute parmi ce à quoi de plus immonde, atroce et révoltant j’ai pu assister en tant que spectateur, avec Irréversible et le final de Casino. Le procédé est désormais connu : faire commettre les pires saloperies par les « méchants » (un pur euphémisme, ici) pour pouvoir « justifier » de leur faire subir pareil sort en guise de punition. Un peu facile et faisant appel aux instincts humains les plus bas (« loi du talion »). Le film entremêle scènes de grande violence (la vengeance de Noiret, qui exécute un à un les SS auteurs du massacre) et flashbacks sur ses moments forts passés avec sa femme et sa fille, contraste revendiqué par le réalisateur.

Vieux fusil : ben oui

Lance-flammes : oui

Femme à poil : non

mardi 27 mai 2025

Le pigeon (1958), de Mario Monicelli

 

C’est l’histoire de Cosimo, un petit malfrat qui prévoyait de monter un casse avec sa bande. Manque de bol, il se fait coffrer alors qu’il tentait de voler une voiture. Ses complices cherchent alors un « pigeon » au casier judiciaire vierge qui s’accusera du vol contre une somme d’argent pour faire sortir Cosimo de prison. Peppe, boxeur raté criblé de dettes, accepte. Mais celui-ci a vent du plan de Cosimo et décide, une fois libéré, de le « griller » en organisant lui-même le casse avec sa bande.

C’est avec qui ? Des déjà vedettes du cinéma italien (Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, « Totò », Renato Salvatori) et la quasi-débutante Claudia Cardinale.

Et c’est bien ? Oui. C’est qu’au cinoche comme au foot, il faut toujours compter avec les « ritals ». Surtout pour les comédies locales, dont ce Pigeon est l’un des premiers succès du genre. Cette bande de « pieds nickelés », volontiers gaffeurs et se méfiant (à juste titre) les uns des autres, est bidonnante, en particulier Carlo Pisacane, chétif au crâne dégarni, qui passe son temps à s’empiffrer aux moments les plus inopportuns, se faisant rabrouer par ses collègues. Vous l’aurez deviné, le casse ne se déroule pas du tout comme prévu (c’est pas drôle, sinon) et nos « héros » devront faire face aux pires impondérables. La chute finale est inattendue et poilante elle aussi. Le film a fait l’objet de suites (notamment Hold-up à la milanaise, réalisé dès l’année suivante) et de remakes, preuve de son importance.

« Pastasciutta » : oui

Tramway : oui

Femme à poil : non

lundi 26 mai 2025

Les herbes folles (2009), d’Alain Resnais

 

C’est l’histoire de Marguerite Muir, dentiste et aviatrice à ses heures perdues, qui se fait voler son sac à la sortie d’un magasin de chaussures. Georges Palet, lui aussi amateur d’aviation, retrouve son portefeuille au pied de sa voiture dans un parking souterrain. Il le ramène à la Police mais ayant l’adresse et le numéro de téléphone de Marguerite, il se met à la harceler, s’inventant une improbable histoire d’amour avec elle.

Y’a qui dedans ? Sabine Azéma et André Dussollier, comme d’habitude chez Resnais, sont de la partie pour les deux rôles principaux. Mais pas de Pierre Arditi pour cette fois-ci, remplacé par Anne Consigny (l’épouse de Dussollier) et Emmanuelle Devos (l’amie d’Azéma et elle aussi dentiste). La voix off étant assurée par Edouard Baer.

Et c’est bien ? Poursuivant mon « reset » et après trois essais particulièrement infructueux dont, par charité chrétienne, je ne dirai mot (Un étrange voyage d’Alain Cavalier, Un dimanche à la campagne de Bertrand Tavernier et Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat, trois monuments d’ennui…), ces Herbes folles, antépénultième film d’Alain Resnais, me redonnent foi en le cinéma français. Bien sûr, il y a des choses qui ne vont pas. Il s’agit certes d’un cinéma « bourgeois », Mathieu Amalric et Michel Vuillermoz en flics, ça l’fait moyen et il n’y a qu’au cinéma qu’on peut embrasser un(e) inconnu(e) au bout de quelques minutes ou tomber amoureux de quelqu’un sur la base d’un portefeuille et d’une carte d’identité retrouvés. Mais la réalisation inventive et vivante, les décors toujours remarquables (Jacques Saulnier, fidèle du réalisateur, était une sommité dans ce domaine), les comédiens convaincants (Dussollier en particulier) et l’histoire, dont on a envie de découvrir les péripéties et le dénouement (comme dans les bons livres. Le film est d'ailleurs tiré du roman L'Incident de Christian Gailly), emportent l’adhésion haut la main. En bref, à 87 printemps (à l’époque), Resnais était encore vert (ah ah !).

Fermeture-éclair de braguette coincée : oui

Turbine dentaire : oui

Femme à poil : non

vendredi 23 mai 2025

Orange Mécanique (1971), de Stanley Kubrick

 

C’est l’histoire d’un jeune homme qui s’intéresse principalement au viol, à l’ultra-violence et à Beethoven (on ne peut pas se tromper, c’est inscrit sur l’affiche…). Plus précisément celle du jeune Alex et de son petit groupe de voyous qui partagent effectivement leur temps entre bagarres, agressions de clochards, vols, cambriolages, parties de « ça va-ça vient » (de baise, quoi) et sorties au bar où ils s’abreuvent d’un mélange à base de lait et de drogue. Ils s’expriment dans un argot anglo-russe du nom de « nadsat ». Lors d’une soirée qui tourne mal, Alex tue accidentellement une femme riche, se fait trahir par sa bande et est incarcéré. Pour raccourcir sa peine de prison de 14 ans, il se porte volontaire comme cobaye d’une thérapie par aversion au stade expérimental promue par le gouvernement et censée éradiquer les comportements violents.

C’est avec qui ? Malcolm McDowell joue Alex. Philip Stone (père d’Alex, également à l’affiche des deux Kubrick suivants Barry Lyndon et Shining), Patrick Magee (l’écrivain violenté), Michael Bates (le gardien de prison, qui par son phrasé, sa gestuelle, son physique et son statut, rappelle fortement le sergent-instructeur de Full Metal Jacket), Warren Clarke (Dim, l’un des membres de la bande d’Alex) et Anthony Sharp (le ministre de l’Intérieur) sont les autres principaux personnages.

Et c’est comment ? Bien mieux que dans mes souvenirs. Il y a des réputations qui ne sont pas usurpées. Malcolm McDowell donne de sa personne : tête plongée sous l’eau, yeux maintenus écarquillés à l’aide de blépharostats ou contraint de dévoiler son intimité anale au gardien de prison (scène filmée évidemment de profil, pour laquelle il a possiblement pu être doublé). Orange Mécanique (classé « X » à l’époque) est toujours aussi malaisant près de cinquante-cinq ans après sa sortie, preuve qu’il n’a pas vieilli en dehors de quelques intérieurs et vêtements kitsch. Les Valseuses, qui s’en inspire, joue « petit bras », à côté. L’habitat d’Alex, dans une banlieue délabrée et le rôle central joué par la musique classique m’invitent au parallèle avec un autre Blier, Buffet froid. Le film est une satire et une réflexion sur la morale, le libre-arbitre et les risques d’un régime totalitaire. Le « remède » ne risque-t-il pas d’être pire que le mal ? Meilleur Kubrick après Shining parmi ses six derniers (je n’ai pas vu ses plus anciens), je n’en ferai toutefois pas l’acquisition, ma DVDthèque étant limitée (deux boites à chaussures, soit 44 places ! 😄). Petite anecdote, l’affiche me fait toujours penser à la pochette de l’album (au demeurant excellentissime) Smash, sorti en 2005, du Français Jackson Fourgeaud. Et vice et versa.

Inspection anale : oui

Parties de « ça va-ça vient » : oui

Femmes (et homme) à poil : d’après vous ?

mardi 20 mai 2025

Bean, le film le plus catastrophe (1997), de Mel Smith

 

C’est l’histoire de Mr Bean, un modeste et excentrique gardien de musée britannique que son employeur, la National Gallery de Londres, envoie à Los Angelès pour s’en débarrasser momentanément, dans le cadre du transfert à la Galerie Grierson locale du célèbre tableau La Mère de Whistler, en le faisant passer pour leur meilleur spécialiste en matière de peinture. Il est accueilli en Amérique par le conservateur de la galerie et sa famille. Mais son faux profil d’érudit d’art va rapidement voler en éclat.

Y’a qui dedans ? Rowan Atkinson (et sa tronche de Jean-Pierre Chevènement jeune… enfin, plus jeune car on peine à se l’imaginer jeune, le « Ché »…) reprend évidemment son personnage de Mr Bean, sorte de Gaston Lagaffe anglais, dans la série télévisée éponyme. Les autres acteurs sont peu connus, si l’on excepte Burt Reynolds dans le (petit) rôle du général et richissime mécène et à un degré moindre Harris Yulin, habitué des rôles subalternes à Hollywood, dans celui du directeur de la galerie.

Et c’est bien ? Globalement hilarant. Le film est court (1h20 plus le générique) et recycle (ou adapte) certains gags déjà connus par les « aficionados » de la série (le sac à vomi, le sèche-mains des WC, la dinde farcie géante…). Mais bon, le gros morceau, c’est la scène où Bean salope le fameux tableau : d’abord en éternuant dessus, puis en le salissant d’encre bleue en essayant d’enlever sa salive à l’aide d’un mouchoir (un stylo ayant coulé sur celui-ci) et enfin en faisant carrément disparaitre le visage de la « mère de Whistler » avec du détergent qu’il avait appliqué pour supprimer la tâche d’encre. Il redessine alors à la hâte un visage grotesque et simpliste, ce qui a le don de faire frémir d’effroi le conservateur de la galerie. Toute cette séquence provoque invariablement chez moi un fou rire, phénomène rarissime. Un antidote à la morosité.

Laxatif : oui

M&M’s : oui

Femme à poil : non

lundi 19 mai 2025

Jackie Brown (1997), de Quentin Tarantino

 

C’est l’histoire (adaptée d’un roman d’Elmore Leonard)… compliquée d’une hôtesse de l’air, d’un trafiquant d’armes et de ses complices, de flics, d’un chargé de caution et de sacs remplis de fric (ou pas) qui passent de mains en mains.

C’est avec qui ? Comme il l’avait fait avec Travolta, Tarantino sort du formol l’actrice « blaxploitation » Pam Grier pour le rôle de l’hôtesse de l’air passeuse de pognon pour le compte d’un trafiquant d’armes et Robert Forster pour celui du chargé de caution. Le reste de la distribution « 5 étoiles » est constitué de Samuel L. Jackson (le truand), « Bobby » De Niro (son complice), Marina Foïs et Julien Lepers… euh, je voulais dire Bridget Fonda (copine de Jackson) et Michael Keaton (un flic).

Et c’est comment ? Le voila donc, le seul Tarantino « première période » que je n’avais pas encore vu. J’aurais donc vu les cinq premiers films (jusqu’au diptyque Kill Bill inclus) et pas les cinq suivants de ce réalisateur pouvant agacer car crâneur. Mais je ne possède que Pulp Fiction, qui est selon moi sa plus grande réussite (personnages, récit éclaté, B.O…). Celui-ci ne m’a pas totalement convaincu. L’histoire est maline (mais faut suivre…), la mise en scène virtuose et maitrisée (la scène dans le magasin de fringues) mais le film est encore une fois bavard (ah, ces truands qui ont des discussions qui durent des plombes sur les petites choses du quotidien comme entre citoyens lambda…) et il atteint les deux heures trente. Comme pour Pulp Fiction, Tarantino s’en donne à cœur joie sur la B.O mais autant je suis client des passages instrumentaux jazz-funk, autant les roucoulades soul richement orchestrées, ça me… soule. Un bon point néanmoins : il y a bien quelques meurtres mais pour une fois, la violence n’est pas complaisamment stylisée et « magnifiée ».

Collection de vinyles : oui

Pipe à eau : oui

Femme à poil : non

dimanche 18 mai 2025

La confiance règne (2004), d’Etienne Chatiliez

 

« J’prendrai bien une mousse ! »

C’est l’histoire de Chrystèle et Christophe, deux personnes simples d’origine modeste et aux parcours « cabossés », qui se font engager comme domestiques et ne ratent aucune occasion de détrousser leurs employeurs avant de prendre la fuite.

Y’a qui dedans ? La comédienne belge (contrairement à ce que son patronyme laisse supposer) Cécile de France et Vincent Lindon jouent nos deux tourtereaux. Dans le reste du casting, on reconnait, dans des rôles plus ou moins importants, Eric « Tanguy » Berger, Anne Brochet (Cyrano de Bergerac, Tous les matins du monde), Jacques Boudet (acteur fétiche de Robert Guédiguian) et le fidèle André Wilms, qui apparaît dans quasiment tous les films de Chatiliez jusqu’à celui-ci.

Et c’est comment ? Premier coup de mou pour Chatiliez, ex-publicitaire (Eram, Le trèfle parfumé…) reconverti cinéaste, honnête artisan de comédies « bien de chez nous » au-dessus de la moyenne, genre sinistré une fois les Oury, Zidi, Poiré et autres Veber plus ou moins rangés des voitures. En effet, la chute au box-office est brutale par rapport à ses précédentes productions, devenues classiques voire cultes et c’est à partir de ce film qu’il se fera moins inspiré. « Heureux les simples d’esprit ! », telle pourrait être la devise des aventures de ces deux énergumènes hauts en couleur. Evidemment, fidèle à ses habitudes, Chatiliez prend un malin plaisir à croquer les travers de classes sociales antagonistes et à les caricaturer (les bourgeois BCBG, le fonctionnaire de mairie en RTT…). Prolos ou bourgeois, chacun en prend pour son grade. Il est aussi question d’argent et du rapport à celui-ci, du pouvoir de fascination qu’exerce une vie de luxe. Je préfère ce Vincent Lindon, qui semble utiliser ses tics naturels pour les besoins du rôle (il se gratte mécaniquement la poche avant de commettre un larcin), se prenant moins (et son métier) au sérieux qu’à l’heure actuelle. Mais c’est surtout Cécile de France, dans un contre-emploi de femme volage affublée d’un accent ch’ti et d’un gimmick (« J’prendrai bien une mousse ! »), qui est la véritable attraction du film. Malheureusement, celui-ci accuse quelques chutes de rythme et Chatiliez se laisse même aller à la facilité d’une séance de flatulences presque digne de celle de La soupe aux choux. Il s’achève étonnamment sur une note dramatique. Un savoir-faire éprouvé, quelques gags mais un bilan mitigé.

Débat télévisé avec Jean-François Copé : oui

Pince à sucre : oui

Femme à poil : Cécile sortant du lit, dans l’obscurité et ça dure une seconde... Autant dire qu'on ne voit rien…

lundi 5 mai 2025

L’ombre blanche (1996), de John Gray

 

« Mon ami, il serait plutôt variétés. Moi, j’suis plutôt rock’n’roll »

C’est l’histoire de deux flics sur les traces d’un serial-killer. Et c’est tout ? Euh, oui, à peu près. Enfin, effort du scénariste, y’a des indices qui semblent mener sur la piste de l’un de nos deux « poulets »... Mais le tueur en série n'est en réalité qu'un leurre.

Y’a qui dedans ? L’inénarrable Steven Seagal et le « black » également costaud Keenen Ivory Wayans sont nos deux flicards aux prises avec des méchants bien méchants (bouh !).

Et c’est bien ? « Buddy movie » + serial-killer… L’arme fatale meets Seven… A quoi ça sert, tout ça ? A se détendre après une rude journée de travail, si on a la « chance » (?) d'avoir un emploi ? D’accord mais ça manque un peu d’ambition, non ? C’est sûr qu’avec l’ami Steven, faut pas s’attendre à La Pléiade… Mais plutôt à un film qui nous prend encore pour des gogos (que nous sommes peut-être, après tout…). Enfin, Steven est humain, à un moment, il saigne du nez. C’est qu’on avait fini par en douter, à force qu’il dérouille tout un tas de malabars avec l’agilité d’un pylône sans récolter la moindre égratignure... Cette série B sans enjeu vaut essentiellement pour ses traits d’humour entre nos deux héros et la scène de baston dans le restaurant, elle aussi très drôle (les bruitages et le final où l’imperturbable Seagal répond au téléphone à un client « on est fermé pour travaux. Y’en a pour… trois mois. »).

Bites de renne : oui

Carte bancaire-cutter : oui

Femme à poil : non

dimanche 4 mai 2025

Story classique : Pierre Arditi

Pierre Arditi en 2009

Pierre Arditi… « Ambulance » et cible faciles (j’allais dire… « émouvante »… Les cinéphiles auront la « réf »), sur laquelle il est aisé de tirer tant notre homme incarne parfaitement le « vieux beau » pédant, l’archétype de ce que l’on appela un peu bêtement la « gauche caviar » (comme tous ces « mots-valises » destinés à clore tout débat, le pire car dénué de tout fondement restant « islamo-gauchisme »), ancien sympathisant du Parti Socialiste qui rejoignit sans ambages l’escroquerie du « en même temps » (présent à La Rotonde le soir du premier tour de la Présidentielle de 2017). Mais difficile d’éprouver une franche hostilité ou de l’antipathie à son égard, juste se laisser aller à quelques moqueries. Dans cette entrevue pour OCS d’une trentaine de minutes où il s’écoute pas mal parler, commentant des extraits de classiques du 7ème Art ou livrant des informations autobiographiques, vous aurez la quintessence du personnage : assertions lyriques et péremptoires, autodénigrement surjoué et éclair de lucidité final sur son narcissisme. J’en retranscris ci-dessous les passages qui m’ont le plus marqué :

« Quand je rentre dans une salle de cinéma, je ressens pas grand-chose. Quand je rentre dans une salle de théâtre, c'est tout à fait différent. Et puis pour ne rien vous cacher, c'est pas bien mais je n'y vais plus, pratiquement, au cinéma. Y'a trop de bruit, euh, les gens passent des coups de fil, ils bouffent (ah ah) des popcorns... Moi je suis ravi qu'on supprime les popcorns au cinéma. (...) On va voir un film ou on mange, on fait pas les deux, c'est pas, c'est pas, voilà. »

« Ce qui nous fascinait là-dedans (lui et sa sœur, au cinéma, NDLR), c'était de devenir un autre. C'est plus compliqué que ça après, parce qu'on s'aperçoit que non seulement on ne devient pas un autre mais au fond, on passe sa vie à jouer des petits morceaux de soi qu'on met au service d'un autre qui serait étranger mais qui finalement ne l'est pas tant que ça. »

« Il est immense, quoi (Cary Grant, NDLR). Il a une silhouette, il traverse l'espace d'une manière tout à fait extraordinaire... Toutes choses que je ne saurais jamais faire (soupir). »

« Ca n'a pas pris une ride, ce film (La mort aux trousses, NDLR). Y'a pas un plan qui sert à rien, y'a absolument tout ce qu'il faut, on comprend tout. (...) C'est marrant parce que les deux autres, c'est deux cascadeurs évidemment, ça s'voit tout d'suite... Ils courent comme des cascadeurs. Cary Grant court comme un acteur, c'est pas pareil. »

« Moi j'veux bien, si Les enfants du paradis, c'est un cinéma de « bons fabricants », alors vive le cinéma des « bons fabricants », voilà, faut arrêter les conneries, quand même, bon... »

« La Culture, ce n'est pas « ceci OU cela », c'est « ceci ET cela », voilà. A partir du moment où on commence à mettre des casiers, on s'appauvrit. Et moi, je n'en ai jamais eu. »

« Regardez comment ces deux acteurs admirables (Philippe Noiret et Romy Schneider dans Le vieux fusil, NDLR) vont se r'garder... Ca, je pense que ça ne s'apprend pas. On sait l'faire. Ou on ne sait pas l'faire. Elle, elle est éblouissante, elle est merveilleuse, elle est magnifique. Et lui, il la regarde comme quelqu'un... qui va pénétrer sa vie pour toujours. Pour toujours. (...) Lentement, il est transpercé par le regard de cette femme... Ca s'apprend pas, ça. Il est en train de se dire « pourquoi cette femme est là ? Je ne pourrai plus jamais m'en détacher ». (...) Il a un regard d'enfant, ébloui. Elle se marre parce qu'elle n'y croit pas et en même temps, elle a envie d'y croire. (...) Oui, bien sûr, on peut s'brûler, mais... c'est pas l'métier (d'acteur, NDLR) qui brûle, c'est la vie et ce que l'on fait à l'intérieur de cette vie, c'est ça qui brûle. Y'a des gens qui le supportent, y'a des gens qui s'en servent et des gens qui... qui détruisent. Elle (Romy Schneider, NDLR) a fait partie de cette dernière catégorie. »

« Le premier boulot d'un acteur, c'est d'abord de savoir qui il est. Il faut s'identifier soi-même. (...) Le premier matériau de l'acteur, c'est la vie et d'une manière encore plus précise, la sienne. (...) J'ai fait comme ce trompettiste de jazz, Bill (plutôt Buck, NDLR) Clayton, quelque chose comme ça, (...) il avait répondu « ben écoutez, pendant vingt ans, j'ai joué comme Louis Armstrong et puis un jour, je suis arrivé et j'ai joué comme si Louis Armstrong, c'était moi ». Voilà, ben ça dit tout. »

« Là, c'est malheureusement moi (dans Vous n'avez encore rien vu, NDLR). Alors ça s'gâte, là, évidemment, forcément, hein, parce que... (...) Ben oui, ça, c'est quand même difficile à r'garder mais qu'est-ce que vous voulez qu’je fasse ? J'peux pas lutter… Entre le gros plan de Cary Grant et celui-là, cherchez l'erreur. Voilà, bon, c'est pas grave. En même temps, honnêtement, je jouais pas mal dans le film, j'étais pas mal, j'étais pas si mal, quoi. (...) Resnais m'a toujours regardé comme si j'étais un objet précieux dans sa vie et donc je le suis devenu parce qu'il me regardait comme ça. (...) D'une certaine manière, j'étais investi de quelque chose de sacré qui était son regard et donc c'était inégalable. Absolument inégalable. (...) C'est un très beau film, que peu de gens ont vu, ça n'a pas très bien marché mais c'est un film qui rentrera dans l'histoire du cinéma, comme tous les Resnais. »

« Beaucoup d'acteurs français, et j’ne parle pas d'moi, là (...) ont été fascinés par ces acteurs américains qui avaient une sorte de... Enfin, quand ils rentrent dans un plan, ils rentrent pas dans un plan, ils rentrent dans la vie, quoi. Ils rentrent dans leur salon. On sait pas comment ils font ça. Je n'sais pas, moi, je n'sais pas comment on joue comme ça, je sais pas comment c'est fait. Dustin Hoffman, De Niro, Pacino, euh... Di Caprio, Brad Pitt. »

« Enfin, y'a Gérard Depardieu et tous les autres, moi compris. »

« Et voilà l'éblouissant Gérard (dans Cyrano de Bergerac, NDLR), qui sait tout faire, qui invente tout. Il s'empare du décor, du texte, du personnage, des autres, de l'intensité de son œil et surtout de l'extraordinaire poésie de son jeu. Et puis Jean-Paul Rappeneau... bon, c'est un dingue ! Il est fou, c'est un metteur en scène fou ! Tout est dessiné (...), quand il regarde les acteurs, tout ce que les acteurs respirent, il le respire et même il le précède. Enfin, c'est un chef-d'œuvre, ce film, c'est un pur chef-d'œuvre. Y'a pas qu'les Américains qui savent filmer, hein. Mais le jeu de Depardieu, faudrait pouvoir regarder ça toute sa vie. On sait pas comment c'est fait, on sait pas comment il joue comme ça, on sait pas comment on fait pour jouer comme ça, ça n'a aucune espèce d'importance, le problème n'est pas de savoir comment on fait pour jouer comme ça, la seule chose, le problème, c'est de pouvoir encore le voir. »

« Si j'avais pas été acteur dans ma vie, je sais pas c'que j'aurais fait, franchement. Oh, j'aurais peut-être fini par trouver un autre centre d'intérêt... J'vois pas bien parce que peintre, j'suis nul, chanteur, j'sais pas... Euh... Quoi... J'sais pas c'que j'aurais fait... Je serai peut-être devenu un raté... Oh, j'l'aurais pas supporté, je suis tellement narcissique... »

La vidéo

jeudi 1 mai 2025

Les côtelettes (2003), de Bertrand Blier

 

« Avant, on disait « bonne » mais maintenant on dit « femme de ménage ». Mais enfin, on dit toujours « merde ». Et faut toujours la nettoyer, ça, ça n’a pas changé. »

C’est l’histoire d’un vieux con pauvre de droite qui frappe chez un vieux con riche de gauche pour « venir le faire chier ». Ils discutent de choses et d’autres, comme du sort que l’on réserve aux traces d’excréments qui restent collées au WC une fois la chasse d’eau tirée selon qu’on soit un « gros con de gauche » ou un « gros con de droite ». Mais surtout de Nacifa, leur femme de ménage dont ils sont tous deux amoureux.

C’est avec qui ? Philippe Noiret et Michel Bouquet incarnent les deux personnages principaux, Farida Rahouadj la femme de ménage et Catherine Hiegel… la Mort.

Et c’est comment ? Pour filer la métaphore culinaire… savoureux. Voila ce que je considère comme le meilleur Blier (adaptation de sa pièce éponyme de 1997) de ces vingt-cinq dernières années (voire plus, n’ayant pas encore vu Mon homme), et de loin. C’est la dernière fois que le réalisateur aura à sa disposition de grands acteurs (que dis-je, des « monstres sacrés ») et je ne pense pas que le film m’aurait fait le même effet avec Campan, Dujardin ou même Dupontel et Clavier. Je ne sais pas si j’aime le cinéma (oui, quand même mais moins que la musique) mais j’aime les acteurs. L’expression du visage de Geena Davis à la fin de Thelma & Louise, Depardieu en Cyrano, Azéma qui fait la foldingue chez Resnais (ou Chatiliez), Myriam Boyer et Anouk Grinberg singeant des écolières dans Un, deux, trois, soleil… Ces moments d’émotion, de grâce, de rire, suscitant chez moi émerveillement et une profonde admiration pour celles et ceux qui les véhiculent, sont innombrables. La tirade de Noiret, métaphore scatologique sur la prise de conscience, fait partie de ceux-là. Peu auraient pu la jouer comme lui. Quand à la question « savez-vous comment on reconnait un gros con de droite d’un gros con de gauche ? », assis sur son fauteuil, il lève les yeux vers Bouquet et lui dit « quand vous chiez. Vous avez beau chier proprement (sic), tirer la chasse et tout, très souvent, dans la cuvette, y’a de la merde qui reste, collée ? », je suis plié ! Dans le fond, j’adhère au propos et au constat mais je peux comprendre que si l’on est de « l’autre rive », on puisse trouver ça moralisateur et / ou misérabiliste (Rahouadj le visage abattu, le dos vouté, transportant ses sacs de courses). Cela dit, en y réfléchissant (j’avoue que ce n’est pas le genre de choses qui occupent mon esprit en priorité…😄), cette « théorie » a du plomb dans l’aile. En effet, quid des centristes et des abstentionnistes ? Ils nettoient seulement une partie des traces et laissent les autres telles quelles ? Et ceux qui, frappés de diarrhée ou au contraire de constipation, ont des selles si molles ou si dures qu’elles ne laissent aucune trace, à quel camp appartiennent-ils ? Bon, on ne va pas y passer la nuit non plus, hein… Et quand Bouquet répète à plusieurs reprises « qu’il bande » (c’est dans la bande-annonce), pareil, grand moment. Autre point positif, Rahouadj a pour une fois un « vrai » rôle central à défendre, là où dans les autres films de son compagnon de réalisateur, elle fait « pièce rapportée ». J’ai également apprécié la musique et la mise en scène : Bouquet et Noiret conversent dans le salon de ce dernier puis le plan d’après, on les retrouve dans un commerce alimentaire ou marchant dans un champ, pendant qu’ils poursuivent leur discussion… Procédé surréaliste qui rend l’ensemble plus vivant. Le final à l’hôpital, avec les infirmes qui se mettent à danser pendant que Noiret et Bouquet prennent à tour de rôle Hiegel en levrette (attention, symbole : on nique la mort !), part un peu en vrille (j’ai coutume de penser que lorsqu’on filme des scènes de danse, c’est pour meubler, masquer un manque d’inspiration) mais on a l’habitude, Blier a souvent du mal à finir ses films (Tenue de soirée en étant le meilleur exemple). Pas de quoi cependant gâcher mon plaisir et faire pencher la balance du mauvais côté.

Côtelettes : non

Piscine ensanglantée : oui

Femme à poil : oui (Rahouadj allongée de profil sur une table de réanimation et, si ma mémoire est bonne, la poitrine de la compagne de Noiret, vers le début)