Pierre Arditi… « Ambulance »
et cible faciles (j’allais dire… « émouvante »… Les cinéphiles auront
la « réf »), sur laquelle il est aisé de tirer tant notre homme
incarne parfaitement le « vieux beau » pédant, l’archétype de ce que
l’on appela un peu bêtement la « gauche caviar » (comme tous ces « mots-valises »
destinés à clore tout débat, le pire car dénué de tout fondement restant « islamo-gauchisme »), ancien sympathisant du Parti
Socialiste qui rejoignit sans ambages l’escroquerie du « en même temps »
(présent à La Rotonde le soir du premier tour de la Présidentielle de 2017). Mais
difficile d’éprouver une franche hostilité ou de l’antipathie à son égard,
juste se laisser aller à quelques moqueries. Dans cette entrevue pour OCS d’une
trentaine de minutes où il s’écoute pas mal parler, commentant des extraits de
classiques du 7ème Art ou livrant des informations
autobiographiques, vous aurez la quintessence du personnage : assertions
lyriques et péremptoires, autodénigrement surjoué et éclair de lucidité final
sur son narcissisme. J’en retranscris ci-dessous les passages qui m’ont le plus
marqué :
« Quand je rentre dans une salle de cinéma, je ressens pas grand-chose. Quand je rentre dans une salle de théâtre, c'est tout à fait différent. Et puis pour ne rien vous cacher, c'est pas bien mais je n'y vais plus, pratiquement, au cinéma. Y'a trop de bruit, euh, les gens passent des coups de fil, ils bouffent (ah ah) des popcorns... Moi je suis ravi qu'on supprime les popcorns au cinéma. (...) On va voir un film ou on mange, on fait pas les deux, c'est pas, c'est pas, voilà. »
« Ce qui nous fascinait là-dedans (lui et sa sœur, au cinéma, NDLR), c'était de devenir un autre. C'est plus compliqué que ça après, parce qu'on s'aperçoit que non seulement on ne devient pas un autre mais au fond, on passe sa vie à jouer des petits morceaux de soi qu'on met au service d'un autre qui serait étranger mais qui finalement ne l'est pas tant que ça. »
« Il est immense, quoi (Cary Grant, NDLR). Il a une silhouette, il traverse l'espace d'une manière tout à fait extraordinaire... Toutes choses que je ne saurais jamais faire (soupir). »
« Ca n'a pas pris une ride, ce film (La mort aux trousses, NDLR). Y'a pas un plan qui sert à rien, y'a absolument tout ce qu'il faut, on comprend tout. (...) C'est marrant parce que les deux autres, c'est deux cascadeurs évidemment, ça s'voit tout d'suite... Ils courent comme des cascadeurs. Cary Grant court comme un acteur, c'est pas pareil. »
« Moi j'veux bien, si Les enfants du paradis, c'est un cinéma de « bons fabricants », alors vive le cinéma des « bons fabricants », voilà, faut arrêter les conneries, quand même, bon... »
« La Culture, ce n'est pas « ceci OU cela », c'est « ceci ET cela », voilà. A partir du moment où on commence à mettre des casiers, on s'appauvrit. Et moi, je n'en ai jamais eu. »
« Regardez comment ces deux acteurs admirables (Philippe Noiret et Romy Schneider dans Le vieux fusil, NDLR) vont se r'garder... Ca, je pense que ça ne s'apprend pas. On sait l'faire. Ou on ne sait pas l'faire. Elle, elle est éblouissante, elle est merveilleuse, elle est magnifique. Et lui, il la regarde comme quelqu'un... qui va pénétrer sa vie pour toujours. Pour toujours. (...) Lentement, il est transpercé par le regard de cette femme... Ca s'apprend pas, ça. Il est en train de se dire « pourquoi cette femme est là ? Je ne pourrai plus jamais m'en détacher ». (...) Il a un regard d'enfant, ébloui. Elle se marre parce qu'elle n'y croit pas et en même temps, elle a envie d'y croire. (...) Oui, bien sûr, on peut s'brûler, mais... c'est pas l'métier (d'acteur, NDLR) qui brûle, c'est la vie et ce que l'on fait à l'intérieur de cette vie, c'est ça qui brûle. Y'a des gens qui le supportent, y'a des gens qui s'en servent et des gens qui... qui détruisent. Elle (Romy Schneider, NDLR) a fait partie de cette dernière catégorie. »
« Le premier boulot d'un acteur, c'est d'abord de savoir qui il est. Il faut s'identifier soi-même. (...) Le premier matériau de l'acteur, c'est la vie et d'une manière encore plus précise, la sienne. (...) J'ai fait comme ce trompettiste de jazz, Bill (plutôt Buck, NDLR) Clayton, quelque chose comme ça, (...) il avait répondu « ben écoutez, pendant vingt ans, j'ai joué comme Louis Armstrong et puis un jour, je suis arrivé et j'ai joué comme si Louis Armstrong, c'était moi ». Voilà, ben ça dit tout. »
« Là, c'est malheureusement moi (dans Vous n'avez encore rien vu, NDLR). Alors ça s'gâte, là, évidemment, forcément, hein, parce que... (...) Ben oui, ça, c'est quand même difficile à r'garder mais qu'est-ce que vous voulez qu’je fasse ? J'peux pas lutter… Entre le gros plan de Cary Grant et celui-là, cherchez l'erreur. Voilà, bon, c'est pas grave. En même temps, honnêtement, je jouais pas mal dans le film, j'étais pas mal, j'étais pas si mal, quoi. (...) Resnais m'a toujours regardé comme si j'étais un objet précieux dans sa vie et donc je le suis devenu parce qu'il me regardait comme ça. (...) D'une certaine manière, j'étais investi de quelque chose de sacré qui était son regard et donc c'était inégalable. Absolument inégalable. (...) C'est un très beau film, que peu de gens ont vu, ça n'a pas très bien marché mais c'est un film qui rentrera dans l'histoire du cinéma, comme tous les Resnais. »
« Beaucoup d'acteurs français, et j’ne parle pas d'moi, là (...) ont été fascinés par ces acteurs américains qui avaient une sorte de... Enfin, quand ils rentrent dans un plan, ils rentrent pas dans un plan, ils rentrent dans la vie, quoi. Ils rentrent dans leur salon. On sait pas comment ils font ça. Je n'sais pas, moi, je n'sais pas comment on joue comme ça, je sais pas comment c'est fait. Dustin Hoffman, De Niro, Pacino, euh... Di Caprio, Brad Pitt. »
« Enfin, y'a Gérard Depardieu et tous les autres, moi compris. »
« Et voilà l'éblouissant Gérard (dans Cyrano de Bergerac, NDLR), qui sait tout faire, qui invente tout. Il s'empare du décor, du texte, du personnage, des autres, de l'intensité de son œil et surtout de l'extraordinaire poésie de son jeu. Et puis Jean-Paul Rappeneau... bon, c'est un dingue ! Il est fou, c'est un metteur en scène fou ! Tout est dessiné (...), quand il regarde les acteurs, tout ce que les acteurs respirent, il le respire et même il le précède. Enfin, c'est un chef-d'œuvre, ce film, c'est un pur chef-d'œuvre. Y'a pas qu'les Américains qui savent filmer, hein. Mais le jeu de Depardieu, faudrait pouvoir regarder ça toute sa vie. On sait pas comment c'est fait, on sait pas comment il joue comme ça, on sait pas comment on fait pour jouer comme ça, ça n'a aucune espèce d'importance, le problème n'est pas de savoir comment on fait pour jouer comme ça, la seule chose, le problème, c'est de pouvoir encore le voir. »
« Si j'avais pas été acteur dans ma vie, je sais pas c'que j'aurais fait, franchement. Oh, j'aurais peut-être fini par trouver un autre centre d'intérêt... J'vois pas bien parce que peintre, j'suis nul, chanteur, j'sais pas... Euh... Quoi... J'sais pas c'que j'aurais fait... Je serai peut-être devenu un raté... Oh, j'l'aurais pas supporté, je suis tellement narcissique... »
La vidéo
Je suis moins fans de l'acteur que de sa voix. Surtout à l'époque de la série animalière ''Les Chroniques de l'Afrique sauvage'' dont j'étais fan et dont la voix-off d'Arditi collait parfaitement au concept...
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas du tout ce programme et donc qu'il en faisait la "voix off".
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