
« Ne vous excusez pas.
Vous ne pouviez pas savoir que vous étiez invité au club des cons. »
C’est l’histoire de Miguel… euh,
Michel Mortez, « vieux beau » un peu pathétique et animateur de radio sur le
retour, de Rivetot, son fidèle assistant et homme à tout faire et de leur jeu
radiophonique itinérant La langue au chat. Les petites villes de province, les
candidats, les hôtels miteux, les repas chez les notables locaux… Tous les
jours c’est pareil et tous les jours c’est différent. Un jour, Rivetot apprend
que leur émission va être supprimée. Conscient qu’elle est pour ainsi dire la
seule raison de vivre de Mortez, il décide de ne pas lui faire part de cette
terrible nouvelle.
Y’a qui dedans ? Jean
Rochefort, qui trouve en Mortez un rôle à sa (dé)mesure et Gérard Jugnot, sans
moustache mais avec moumoute, qui change de registre et apparait pour une fois
plutôt sympathique. Plus une belle galerie de seconds rôles (Jean-Claude
Dreyfus en notable, Julie Jézéquel en soubrette libérée ou encore Ged Marlon en
candidat-surprise à très faible culture générale trouvé sur le bord de la
route).
Et c’est bien ? Tout est
dantesque, ici. Le scénario, entre « road » et « buddy
movie » (oui, encore), est des plus originaux. Le duo d’acteur est idéal et
le film oscille avec bonheur entre moments comiques et d’autres plus émouvants.
Et des scènes mémorables, en veux-tu en voilà : Rochefort ivre au casino
ou pris d’une crise d’angoisse dans la chambre d’hôtel (« Les deux lits, la
table de nuit au milieu, les appliques dorées, le cagibi – salle de bain, les
couvre-lits synthétiques… ») ; le barman de l’hôtel, homo sous ses
attraits bourrus (« J’te fais une petite pipe,
Michel ? ») ; le repas chez les notables, où Rochefort est
assailli par les questions d’un Jean-Claude Dreyfus exalté ; Julie
Jézéquel glaçant Jugnot avec ses allusions salaces (« T’as déjà imaginé
ton père en plein orgasme ? ») ; Ged Marlon, grignotant des
chips et incapable de répondre à la moindre question (pourtant faciles : bacille
de Koch, Statue de la Liberté…) lors du jeu improvisé, après s’être fait
houspillé pour avoir pique-niqué trop près du bord de la route par un Rochefort
excédé (« On devrait créer des brigades esthétiques et interdire le port
du survêtement en dehors des enceintes des stades ! ») ; la
scène entre Sylvie Granotier et Rochefort (« Excusez-moi, je ne voulais
pas vous faire de mal » - « Et bien, c’est fait. Bonsoir »)… Ne
reste plus qu’à ajouter Il mio rifugio, un poignant piano-voix chanté de sa
voix rauque par le franco-italien Richard Cocciante, qui parcourt tout le film.
Patrice Leconte n’avait jusqu’ici réalisé que des comédies et un film d’action
(Les spécialistes). Cette première incursion dans un registre plus grave et
intimiste (même si toujours drôle) est un coup de maître. Il récidivera deux
ans plus tard avec Monsieur Hire. De façon plus personnelle, ce film a aussi
une résonnance particulière pour moi dans la mesure où je l’ai vu de nombreuses
fois dans mon adolescence en compagnie de mon défunt père, lui-même animateur
d’une radio locale (bénévolement, dans le domaine culturel puis politique) un
peu fantasque et portant le même prénom que le personnage principal.
Pompiste : oui
Chien rouge : non
Hôtel « 3
étoiles » : non
Homme ou femme à poil : un
plan furtif sur une paire de fesses recevant une piqure, supposée appartenir à
Rochefort mais dont on peut raisonnablement douter que ce soit véritablement le
cas