jeudi 31 juillet 2025

Rendez-vous (1985), d’André Téchiné

 

« Avec Paulot ? Il est gentil mais ça suffit pas. »

C’est l’histoire de la jeune Nina (Juliette Binoche), qui quitte la province pour s’installer à Paris en vue d’une carrière de comédienne. Elle trouve refuge chez Paulot (Wadeck Stanczak), modeste agent immobilier qui l’héberge avant de lui trouver un appartement. Ce dernier vit en colocation avec le ténébreux Quentin (Lambert Wilson), acteur dans des théâtres érotiques. Paulot aime Nina mais celle-ci est plus sensible au charme de Quentin, qui décède brutalement un soir en sortant de chez elle, écrasé par une voiture.

Vous l’aurez compris en jetant un simple coup d’œil sur la jaquette : il va beaucoup être question de cul, ici. La belle Juliette y lance quasiment sa (brillante) carrière, en cette féconde année 1985 (pas moins de six films où elle est à l’affiche sortis cette année-là !). Et elle le fait « corps et âme »… Le premier est inspecté sous toutes les coutures : deux scènes où elle montre ses seins, une où Wilson pose sa tête sur son ventre, avec sa chatte sous le nez et deux autres où elle est allongée sur le ventre, les fesses à l’air (dont une où Wilson lui glissera la main dans sa fente). Avec le recul de l’ère #MeToo, y’a comme qui dirait de l’abus... Autant se mater un bon boulard, au moins y’aurait pas d’ambiguïté. Pour ce qui est de l'« âme », elle sera amenée à chialer en deux ou trois occasions. Bon, donc en gros, l’histoire, c’est le gentil petit agent immobilier qui reste confiné dans la « friend zone ». Ben oui, mon Paulot, t’es trop lisse, il en faut plus pour les faire mouiller, ces grognasses. Elles préfèrent les « chads » ou les mecs « mystérieux », même s’ils sont suicidaires comme ici. Elles veulent « ressentir des émotions », quoi… Même mort, Wilson continue d’obséder Binoche mais le Paulot parviendra tout de même à ses fins en la baisant bien comme il faut (pauvre Juliette, elle se fait cracher deux fois au visage par Stanczak avant qu'il ne le lui léchouille...) dans l’arrière-boutique de son agence, à l’heure de la fermeture. Tout en prenant soin de la larguer juste après, comprenant qu’elle n’est pas pour lui. T’as bien fait, mon Paulot, elle t’en aurait fait voir de toutes les couleurs, cette nana-là et comme Patriiiiiiiiiick, t’en aurais eu marre…

mercredi 30 juillet 2025

Les chiens de paille (1971), de Sam Peckinpah

 

« Je n’sais plus du tout où j’habite. » - « Ca n’fait rien, moi non plus. »

C’est l’histoire du mathématicien américain David (Dustin Hoffman) qui s’installe dans un petit village des Cornouailles avec sa femme britannique Amy (Susan George) pour y travailler au calme. Ils vont malheureusement se trouver confrontés à l’hostilité d’un petit groupe d’autochtones, dont Charlie, ex-petit ami d'Amy.

Dans la foulée de la révolution sociétale de Mai 68, il souffle un vent de nouveauté sur le cinéma américain et européen. Macadam Cowboy, Orange Mécanique, MASH, La grande bouffe, Le dernier tango à Paris, Les valseuses… Violence, sexe et thèmes politiques s’invitent sur grand écran. Les chiens de paille fait partie de ces films ayant fait scandale à l’époque, pour sa violence et sa scène de (double) viol(s) controversée car jugée ambiguë (d’abord réticent, le personnage joué par Susan George semble ensuite plus bienveillant envers son agresseur). C’est sûr, passer d’un Téchiné ou d’un Tavernier à ça, « c’est pas la même philosophie, c’est pas la même démarche » (pour ceux qu’ont pas la « réf »…). Mais de l’eau a coulé sous les ponts et en termes de violence, le niveau ici atteint a depuis été dépassé. Il n’en reste pas moins que le film demeure toujours prenant et convaincant dans son traitement, avec une tension allant crescendo jusqu’au sanglant déferlement final où Hoffman et sa femme sont assiégés dans leur ferme par une bande à la recherche du demeuré qu’ils abritent, l’ayant accidentellement renversé une nuit de brouillard alors que les autres le tiennent pour responsable d’un meurtre. Hoffman est dans sa période faste, j’adore évidemment, même si on peut toujours « tiquer » sur la facilité consistant à incarner des personnages typés et hautement « oscarisables » (malade dans Macadam Cowboy, travesti dans Tootsie, autiste dans Rain Man…). Vu et approuvé.

Que la fête commence ! (1975), de Bertrand Tavernier

 

« Tu ne donnes jamais aux pauvres, toi ? » - « Non, y’en a trop. »

C’est l’histoire du Duc d'Orléans (Philippe Noiret), Régent libéral et libertin du 18ème siècle, de son Premier Ministre l’abbé Dubois (Jean Rochefort) et du Marquis de Pontcallec (Jean-Pierre Marielle), qui souhaite redonner l’indépendance à la Bretagne en renversant la Régence.

La « fête » ? Quelle « fête » ? Il n’y a rien de gai, ici. Noiret, Rochefort et Marielle sur une même affiche, ça ne se refuse pas (ils se retrouveront vingt-et-un ans plus tard dans Les grands ducs de Patrice Leconte). Mais le souci avec ce genre d’acteurs charismatiques et emblématiques, c’est le risque qu’ils ne s’effacent pas derrière leur personnage, qu’on peine à faire abstraction de leur personnalité. On les retrouve dans leur registre habituel : Marielle (qui n’a aucune scène avec ses deux camarades) et ses envolées lyriques, Noiret avec sa faconde et son côté dandy… C’est finalement Rochefort qui s’en sort le mieux, dans le rôle d’un abbé ambitieux et calculateur (César du meilleur second rôle). Rayon « détails amusants », le médecin du Régent se nomme Pierre... Chirac et une des femmes de la cour, « La Fillon »… Et la présence, dans de (tout) petits rôles, de têtes désormais connues, pour certaines au tout début de leur carrière : Jean Rougerie, Hélène Vincent, Nicole Garcia (future compagne de Rochefort) et quasiment tous les mecs du Splendid (Lhermitte, Blanc, Jugnot et Clavier). A part ça, il ne se passe pas grand-chose dans ce film. Y’a bien quelques paires de fesses et de nichons mais les orgies du Régent sont juste esquissées, suggérées. Tavernier n’est pas trop porté sur la gaudriole, c’est plus un réalisateur « politique ». Ici, il est surtout question d’un Duc aux idéaux progressistes mais désabusé face à l’inertie du système, plus rigide (et incarné par le personnage de Rochefort), auquel il appartient, même si le final laisse entrevoir un début de révolte. Rien de bien passionnant...

samedi 26 juillet 2025

Les voleurs (1996), d'André Téchiné

 

C'est l'histoire de deux frères, que tout oppose et qui se détestent. Et pour cause : l'un, Alex (Daniel Auteuil), est flic tandis que l'autre, Ivan (Didier Bezace), est à la tête d'un gang de voleurs de voitures. Ils ont une liaison avec la même femme, Juliette (Laurence Côte), une jeune délinquante, qui entretient aussi une relation avec Marie (Catherine Deneuve), une prof de philo divorcée. Un soir, un vol organisé par la bande et auquel participe Juliette, contre l'avis de son frère et complice Jimmy (Benoît Magimel), tourne mal et Ivan est abattu. Alex, très mal vu dans sa famille, va mener l'enquête.

Boudiou, les Sarde (Alain à la production, quelques ennuis avec la Justice et Philippe à la musique), ils en ont fait une chiée, de films... Alors là, nous sommes dans la série des films « à quoi ça sert ? ». Pas vraiment de « message », juste une histoire pas trop mal troussée mais sans grand éclat. Laurence Côte baise avec tout le monde et nous montre sa touffe, à la pilosité fournie, ce n'est pourtant pas un sex-symbol... Auteuil, lui, nous montre son fessier (Magimel un peu aussi), après sa partie de jambes en l'air avec la susnommée (ils font ça dans une chambre d'hôtel fenêtres grandes ouvertes. Quand bien même les bâtiments alentours sont relativement lointains, cela se fait-il ?). Par contre, vous ne verrez évidemment pas la paire de loches de Miss Catherine, cachée par Côte lors de leur scène dans une baignoire. Bon, les chattes, les fesses, les seins, t'as rien d'autre à nous causer, ducon ? Ben, pas grand-chose, non. Le film comporte des flashbacks et adopte tantôt le point de vue (voix off) d'Auteuil, tantôt celui de Justin (un jeune d'une dizaine d'années et qui a la tronche de Mark Hollis, feu leader de Talk Talk : coupe au bol, air triste et oreilles décollées), le fils du trafiquant et frère d'Auteuil. Il y a un court passage dans ma ville de Marseille et c'est là où Téchiné voulait faire son film. Mais n'y ayant pas eu ce qu'il souhaitait, il s'est rabattu sur Lyon. C'est ce qu'on apprend, entre autres, dans la laborieuse interview « deux de tension » du réalisateur (des « euh » tous les trois mots...) en bonus du DVD. Bref, Téchiné, pour l'instant, c'est pas glorieux. J'espère avoir plus de chance avec Les Sœurs Brontë, Rendez-vous, J'embrasse pas, Ma saison préférée (Auteuil et Deneuve, encore) et Les roseaux sauvages...

jeudi 24 juillet 2025

12 hommes en colère (1957), de Sidney Lumet

 

« J’suis pas fort en suppositions, j’suis qu’un ouvrier, mon patron fait des suppositions pour moi. »

C’est l’histoire de… douze hommes, membres du jury d’une cour criminelle, qui sont amenés à délibérer et à rendre leur verdict à l’unanimité au procès d’un jeune homme suspecté d’avoir tué son père et que tout semble accuser. Lors d’un premier vote à main levée, onze d’entre eux jugent l’accusé coupable, seul le douzième (Henry Fonda) faisant part de ses doutes. S’engage alors un débat animé entre ces douze jurés aux profils, opinions et statuts différents.

Un autre de ces films jugés suffisamment importants pour intégrer la bibliothèque du Congrès des « Maîtres du Monde » (en 2007)… Son seul problème (mais de taille), c’est que son « twist » final est implicitement inclus dans son synopsis de départ, sinon il prendrait fin au bout d’un quart d’heure et ce serait un court métrage… Donc oui, comme vous vous en doutez, Fonda va retourner les onze autres jurés et les convertir un par un à sa cause (la non-culpabilité du suspect). La question ne sera donc pas « quoi ? » mais « comment ? ». Sauf que là aussi, on subodore tout assez vite (ah, du coup, ça fait deux problèmes…), ceux qui seront les plus durs à convaincre et donc les derniers à « rendre les armes », avec son lot de « passages obligés » : oppositions de caractères (en gros, les posés et réfléchis face aux « sanguins » et « bas du front »), d’opinions et de classes sociales, attitudes et regards réprobateurs (les types qui se lèvent l’un après l’autre et tournent le dos lors de la diatribe anti-jeunes issus de milieux défavorisés de l’un des jurés)… Mais bon, je chipote… C’est un peu gros (c’est du cinéma, quoi) mais c’est quand même bien et admirablement joué.

Tout sur ma mère (1999), de Pedro Almodóvar

 

« Ça doit faire des millénaires que je n’ai pas sucé une bite. »

C’est l’histoire de Manuela (Cecilia Roth), infirmière madrilène et mère d’Esteban. Pour ses 17 ans, elle l’emmène voir la pièce Un tramway nommé désir avec son actrice préférée Huma Rojo (Marisa Paredes). Mais la soirée vire au drame : courant derrière le taxi de l’actrice pour obtenir son autographe, Esteban est tué, renversé par une voiture. Après avoir démissionné et accepté que le cœur de son fils soit transplanté sur un inconnu, Manuela part pour Barcelone, à la recherche d’Huma qui y joue sa pièce et de Lola, un prostitué travesti, père biologique d'Esteban.

Ce film, l’un des plus réputés et acclamés d’Almodóvar, est curieusement (ou pas) celui qui m’a le moins plu jusqu’à présent. On y retrouve toutes les obsessions du cinéaste espagnol : les femmes (mères, actrices, etc…), les marginaux (drogués, travestis, loubards…), l’Espagne (toujours au moins une chanson locale dans la B.O)… Il empile les situations lacrymales, c’est un véritable festival (de Cannes, où il a obtenu le prix de la mise en scène en 1999) : morts par accident ou du Sida, consommation d’héroïne, travesti, transexuel, maladie d'Alzheimer… Dès lors, ça chiale à chaudes larmes et si cette fois, il n’y a pas de scènes « olé-olé » (sic), on ne parle pas moins de « sucer des bites » et de « faire des pipes » (Penélope Cruz dit même « couilles » et « trou du cul », à un moment…). Je ne comprends pas ce succès (un Oscar aussi), Femmes au bord de la crise de nerfs, Attache-moi !, Volver et Etreintes brisées (à confirmer, je n’en ai vu que la moitié) m’ont en tous cas davantage convaincu.

mercredi 23 juillet 2025

Le juge et l’assassin (1976), de Bertrand Tavernier

 

« Un fou qui sait qu’il est fou est un fou guéri. »

C’est l’histoire de Joseph Bouvier (Michel Galabru), un anarchiste rustre, qui tire sur la femme qui refusait de l’épouser avant de tenter de se suicider. Elle survit et lui aussi, malgré deux balles dans la tête (!). Libéré d’un asile, il vagabonde dans toute la France et viole et assassine les jeunes bergers ou bergères qu’il croise. Émile Rousseau (Philippe Noiret), un juge de province arriviste, parvient à le faire arrêter. Espérant une promotion, il tente de gagner la confiance de Bouvier afin de lui extirper des aveux et ainsi obtenir sa condamnation à mort.

Tavernier – Noiret, acte 3 (y’en aura deux autres, Que la fête commence… et La vie et rien d’autre, malgré des contextes qui ne m’enchantent guère : 18ème siècle pour le premier, Première guerre mondiale pour le second…). L’acteur campe un beau salaud en la personne de ce juge manipulateur et cynique. Mais c’est bien sûr Michel Galabru, pour son plus grand fait d’armes, qui crève l’écran, obtenant le César du meilleur acteur pour le rôle de ce « serial-killer » exalté et mystique (le film remportera aussi celui du meilleur scénario). Isabelle Huppert (maitresse de Noiret, encore bien casée) et Jean-Claude Brialy (procureur), complètent la distribution. Gérard Jugnot et Yves Robert font également des apparitions. Tourné dans les paysages variés de l’Ardèche et inspiré de la vie du « Jack l'Éventreur du Sud-Est » Joseph Vacher, le film comporte à mon avis quelques longueurs (il fait deux heures), en particulier à cause de la présence de trois chansons (signées Jean-Roger Caussimon, il en interprète lui-même deux). Il est éminemment politique (même s’il n’est pas que ça) puisque, outre le thème de la peine de mort, il se déroule à la fin du 19ème siècle, une époque marquée par l’affaire Dreyfus (« Mort à Dreyfus » tagué sur un mur de la prison, affiche « Lisez La Croix, le journal le plus anti-juif de France »…) et les luttes ouvrières de la Commune. La fin, qui relate ces dernières et que Tavernier juge lui-même « ratée » (non pas dans le propos, qu’il assume et revendique totalement mais dans la forme, trop démonstrative), m’a littéralement plombé, entrant chez moi en résonance avec l’actualité nationale récente. On n’a pas évolué d’un pouce (130 ans, ça peut paraître beaucoup mais à l’échelle de l’humanité, c’est peanuts…), les époques et le nom des protagonistes changent mais, contrairement à ce qu’on veut bien nous faire croire, la fracture et les antagonismes demeurent et ne sont pas près de disparaitre, malgré notre individualisme et le pouvoir anesthésiant du confort dont nous jouissons à des degrés divers.

lundi 21 juillet 2025

Hôtel des Amériques (1981), d’André Téchiné

 

« J’aimerais qu’on s’perde et que personne ne nous r’trouve… »

C’est l’histoire d’Hélène (Catherine Deneuve), anesthésiste, qui, un soir, fatiguée au volant, renverse accidentellement Gilles (Patrick Dewaere) dans une rue de Biarritz. A l’occasion de cette rencontre, Gilles va très vite être séduit par le charme fou d’Hélène et être troublé par son comportement. Celle-ci cache en effet un profond traumatisme suite à une précédente histoire d’amour.

Allez, on commence un petit cycle Téchiné, sans forcément... s’échiner (hi hi). Alors dans les séries « ça n’arrive jamais dans la vie mais au cinoche, oui » (le mec qui s’accroche à la nana qui l’a renversé) et « suis-moi j’te fuis, fuis-moi j’te suis », ce film se pose un peu là. On passe de l’appartement à l’hôtel, de la gare au café-restaurant, de l’hôpital à la maison de campagne. Et comme souvent, on ne comprend clairement qu’à peu près deux tiers des dialogues. Du coup, ça devient emmerdant à partir d’environ soixante-dix minutes et il en reste encore vingt derrière. Mais y’a Cathy et Patrick, même s’ils récitaient l’annuaire, ce serait immanquable. Et Biarritz qui, à l’instar de Toulon ou Nice, offre une remarquable constance de ville de droite (et on comprend pourquoi : putain de vue sur la plage et la mer, pour les bâtiments attenants… Le prix du mètre carré, ça doit « douiller »).

Violette Nozière (1978), de Claude Chabrol

 

C’est l’histoire, vraie, de… Violette Nozière (Isabelle Huppert), adolescente des années 30, en rupture avec le mode de vie et les mentalités de ses parents (Jean Carmet et Stéphane Audran). A leur insu, elle fréquente Jean, un « gigolo » et se prostitue elle-même occasionnellement. Son médecin lui diagnostique la syphilis. Parvenant à convaincre ses parents que sa maladie était héréditaire, elle les empoisonne sous prétexte de leur administrer un médicament. Son père meurt mais sa mère parvient à en réchapper.

De ce premier Chabrol – Huppert, point de départ d’une longue et fructueuse collaboration, je n’aurai pas grand-chose à dire, étant bizarrement resté un peu extérieur à son histoire et à sa narration. Ça fait drôle de voir Isabelle Huppert jeune et à poil (ah, merde, déjà dit…). Dans Coup de torchon, on avait le « verso », là on a le « recto »… On reconnait dans le casting, dans de petits rôles, l’incontournable « troisième couteau » Dominique Zardi (garçon de café), Fabrice Luchini (un étudiant) mais aussi Jean Pierre « c’est d’la merde ! » Coffe (le médecin) et Gilbert Servien, qui, à pareille époque, tournait dans des pornos de Kikoïne, Tranbaree ou Lansac. Je ne sais pas si c’est dû à la reconstitution de l’époque (années 30) ou au fait que Chabrol était plus jeune et avait donc probablement davantage la « niaque » mais j’ai trouvé la réalisation plus « cinématographique » que dans certaines de ses œuvres ultérieures. Le film est tiré d’une histoire vraie et la jeune femme vit sa condamnation à la peine de mort commuée en travaux forcés, avant d’être graciée par De Gaulle à la Libération puis même réhabilitée quelques années avant sa mort survenue en 1966. Il est vrai qu’elle avait été abusée sexuellement par son père à plusieurs reprises. Du coup, à contrario de l’éprouvant Une affaire de femmes, Chabrol nous évite la prise d’otage émotionnelle finale.

vendredi 18 juillet 2025

En chair et en os (1997), de Pedro Almodóvar

 

C’est l’histoire de Victor (Liberto Rabal, un petit air d’Anthony Delon), jeune homme de vingt ans né… dans un bus en 1970 (donc toujours sous le régime franquiste), qui a eu sa première expérience sexuelle avec une dénommée Helena (Francesca Neri). Il cherche à la revoir et déboule chez elle, alors qu’elle attend son dealer. Une dispute et un coup de feu sans conséquence éclatent. Alertés par une voisine, deux flics, David (Javier Bardem) et Sancho (José Sancho), arrivent sur les lieux. Suite à une bagarre et un tir de révolver, David devient paraplégique et Victor est incarcéré. Quelques années plus tard, David est devenu joueur de basket handisport et s’est marié avec Helena, Sancho est toujours alcoolique et violent avec sa femme Clara (Ángela Molina) tandis que Victor, en réalité innocent, sort de prison avec l’envie de se venger.

Parmi mes (nombreuses) phobies, les accouchements. Cela part donc très mal puisque Penélope Cruz donne naissance au héros du film dans le cadre insolite d’un bus, n’ayant pu arriver à temps à l’hôpital. Nous avons ensuite une histoire resserrée autour de cinq personnages : le jeune Victor, donc, sa première amoureuse Helena, deux flics et la femme de l’un d’entre eux. Elle brasse amour, sexe cru (as always ou presque with Pedro…), vengeance, culpabilité, violence (heureusement relativement légère), rôles de marginaux et fugace message politique (quand on y pense, l’Espagne n’est une démocratie que depuis mon âge, soit un « petit » demi-siècle). Le tout dans le style baroque et mélodramatique du célèbre réalisateur de la Movida. Un bon brouillon de ses grands œuvres à venir.

jeudi 17 juillet 2025

Une affaire de femmes (1988), de Claude Chabrol

 

« Je vous salue Marie, pleine de merde, le fruit de vos entrailles est pourri. »

C’est l’histoire de Marie Latour (Isabelle Huppert), qui élève seule ses deux enfants sous le régime de Vichy. Elle rêve de devenir chanteuse mais le quotidien est bien triste. Jusqu’au jour où une voisine lui demande de la faire avorter, clandestinement, cela va sans dire. Devant la réussite de l’opération, elle décide de monter son auto-entreprise dans ce secteur d’activité et les clientes se présentent régulièrement. Pour mettre du beurre dans les épinards, elle loue aussi une chambre Airbnb à son amie prostituée Lucie (Marie Trintignant). Mais son mari Paul (François Cluzet) revient de la guerre. Lui est plutôt du genre minable, au chomdu et au RSA. Il peine à supporter la réussite de son épouse qui, par ailleurs, fuit tout contact physique avec lui.

Et oui, encore un Chabrol - Huppert, y’en aura encore un (Violette Nozière, déjà vu mais article pas encore rédigé), peut-être deux (Madame Bovary, vous connaissez mon aversion pour les films d’époque à costumes). Que voulez-vous, était prévu un très bon cru Almodóvar, si j’en crois le visionnage de la première heure d’Etreintes brisées (2009) mais la lecture du DVD a ensuite complètement foiré, bien que celui-ci ne comportait pas plus de rayures que son homologue de cette Affaire de femmes. Qui aurait pu s’appeler « Une affaire de familles » puisqu’outre les Chabrol, on a du Tavernier (le fils Nils devant la caméra, la mère Colo au scénar), du Trintignant (la regrettée Marie et son air toujours un peu « stone ») et du Huppert (sa fille Lolita Chammah, âgée de 5 ans, joue également ce rôle dans le film). C’est une fois encore un film fort mis en boite par le réalisateur à la pipe et magistralement interprété par sa future actrice fétiche, qui remportera le prix d’interprétation à la Mostra de Venise mais se verra souffler le César par une autre Isabelle (Adjani, pour Camille Claudel). Vous pensez, avec le combo Occupation / avortement / peine de mort, on a là de quoi soulever les tripes et tirer les larmes, manquait plus que la pénalisation de l’homosexualité pour faire un « strike »… De fait, l’ambiance des trente dernières minutes est très lourde (un conseil, prévoyez un repas léger avant visionnage) et pour le final, « Chacha » nous a presque fait une « Dancer in the dark ». Ce film a indirectement fait un mort, un vrai celui-là : un spectateur cardiaque, victime collatérale d’une bombe lacrymogène déposée dans un cinéma de Montparnasse par des catholiques intégristes, ulcérés par la phrase retranscrite plus haut, prononcée par Huppert à l’annonce de sa condamnation à la peine capitale. Devant la frilosité des diffuseurs locaux, le producteur Marin Karmitz a dû le distribuer lui-même aux Etats-Unis, où il rencontra un franc succès. Inspiré de l'histoire vraie de Marie-Louise Giraud, une des dernières femmes guillotinées en France, en 1943.

mercredi 16 juillet 2025

Merci pour le chocolat (2000), de Claude Chabrol

 

« Tu crois quand même pas qu’il y a des voleurs en Suisse ? »

C’est l’histoire du couple constitué d’André Polonski (Jacques Dutronc), pianiste renommé et de Marie-Claire Muller dite « Mika » (Isabelle Huppert), directrice d'une grande entreprise de chocolat suisse. André a un fils, Guillaume (Rodolphe Pauly), de son ancienne épouse Lisbeth, décédée dans un accident de voiture. Parallèlement, Jeanne (Anna Mouglalis), une jeune pianiste, apprend qu’elle a failli être échangée à sa naissance avec Guillaume. Intriguée et ayant toujours un doute sur sa paternité, elle se présente chez André, qui va lui donner des cours de piano, sous l’œil visiblement bienveillant de Mika.

Un film sur le Mal qui prend l’apparence du Bien, et donc sur la perversité. Et qui de mieux indiqué que la « muse » de l’auteur du Boucher et Que la bête meure, la grande Isabelle, pour incarner ce personnage et en exprimer toutes les subtiles nuances ? Après le marquant La cérémonie et le beaucoup plus anodin (et pour tout dire, raté) Rien ne va plus, l’actrice retrouve donc Claude Chabrol pour la sixième et avant-dernière fois avant l’ultime L’ivresse du pouvoir de 2006. Bien sûr, « Chacha » n’est pas Scorsese, De Palma ou Tarantino, la réalisation est plus « pépère » et c’est sur le scénario et le jeu d’acteurs que reposera l’intérêt du film. L’intrigue, à savoir l’échange possible entre deux nourrissons nés au même moment dans la même clinique, n’est évidemment pas sans rappeler celle de La vie est un long fleuve tranquille de Chatiliez et Mouglalis y fait d’ailleurs allusion lorsqu’elle apprend par inadvertance cette nouvelle. Son arrivée sera « l’élément perturbateur » au sein de cette famille à première vue bien sous tous rapports mais cachant quelques secrets, dévoilés au fur et mesure. La jeune femme se méfiera très vite d’Huppert, trop mielleuse pour être honnête, d’autant plus qu’elle découvrira que le chocolat que cette dernière se plait à préparer pour Dutronc et son fils contient une forte dose de somnifère. La musique, dont Chabrol était un fin connaisseur, joue à nouveau un grand rôle (Dutronc et Mouglalis étant pianistes, ils « pratiquent » beaucoup) et est signée, comme toujours depuis le début des années 80, par son fils Matthieu (c’est bien simple, il fait bosser toute sa famille sur ses films). C’est d’ailleurs, avec l’interprétation d’Huppert, l’un des points forts du film car pour le reste, c’est tout de même un peu « light ».

mardi 15 juillet 2025

L’horloger de Saint-Paul (1974), de Bertrand Tavernier

 

« La France est un curieux pays, M. Descombes… 50 millions d’habitants et 20 millions de dénonciateurs. »

C’est l’histoire de Michel Descombes (Philippe Noiret), horloger lyonnais du quartier de Saint-Paul, séparé et vivant seul avec son fils Bernard (Sylvain Rougerie, fils de Jean). Un jour, la police lui apprend que son fils est en cavale avec une jeune femme et qu’il aurait tué le vigile de l’entreprise où elle travaillait car celui-ci l’aurait fait licencier pour un larcin imaginaire et peut-être violée (ce qui serait la véritable raison de l’accusation de vol par le vigile). L’enquête est placée sous la responsabilité du commissaire Guiboud (Jean Rochefort).

Dans la longue série des films français « tout ça pour ça » (titre d’un film de Lelouch)… Une enquête policière dont on ne voit rien, seul Rochefort nous en donnant les derniers rebondissements. Des acteurs qui marmonnent dans leur barbe (qu’ils n’ont pas). Une belle carte postale de Lyon, dont on appréciera les plus beaux sites. Et tout ça pour quoi ? Quelques saillies politiques à l’encontre des flics, des politiciens conservateurs, des journalistes « sensationnalistes » ou des bas instincts du « petit peuple ». Et surtout pour l’analyse des relations entre un père et son fils, l’incommunicabilité, l’incompréhension régnant entre eux… A la fin, le fils, refusant une défense basée sur le crime passionnel pour atténuer sa peine, prend vingt ans. Mais pas grave, son papounet, qui l’a laissé faire, s’est racheté une virginité à ses yeux et ils sont à nouveau « bons copains ». Alléluia…

lundi 14 juillet 2025

Masques (1987), de Claude Chabrol

 

« (…) Et il a vite fondu, le patrimoine… C’est très désagréable de devenir pauvre, de descendre tout doucement vers la gêne. Très. (…) Je suis pas un intellectuel, tu sais. Chez moi, tout est affectif. »

C’est l’histoire de Christian Legagneur (Philippe Noiret), présentateur-vedette de télévision, qui invite dans sa luxueuse demeure le journaliste Roland Wolf (Robin Renucci), dont l’ambition est d'écrire sa biographie. Parmi les quelques personnes présentes, outre les domestiques et amis de Legagneur, Wolf remarque sa filleule Catherine (Anne Brochet), atteinte d’un mal étrange, et en tombe amoureux. Mais Legagneur la couve à l’excès. On se rend compte que l’écriture de la biographie de Legagneur n’est pour Wolf qu’un prétexte et qu’il enquête en réalité sur la mystérieuse disparition d’une jeune femme, Madeleine, qui était l’amie de Catherine.

Je n’aurais pas parié un kopeck sur ce Masques, la surprise n’en est que plus agréable. J’ai bien aimé, en grande partie grâce à Noiret. Qui fait du Noiret mais qui le fait bien, débonnaire (non, pas Sandrine…), toujours à la limite du cabotinage. Il campe un de ces animateurs vedettes d’émissions télé populaires, on pense en particulier à Jacques Martin et son Ecole des fans. Sauf qu’ici les candidats ne sont pas des enfants en bas âge mais au contraire des personnes âgées, à qui on fait gagner des voyages. L’occasion pour Chabrol d’égratigner (gentiment) ce monde hypocrite qui annonçait déjà largement la « télé-poubelle », dont l’un des précurseurs vient tout juste de nous quitter (R.I.P. Thierry). Aucune longueur, une ambiance vaguement « hitchcockienne », une intrigue intéressante sur les turpitudes de cet animateur faux-jeton et un bon casting (citons aussi l'irradiante Bernadette Lafont. Comme Noiret, ces genres de comédiens sont si naturels qu’ils ne jouent pas, ils sont), il n’en faut finalement pas plus pour faire un bon film, que l'on suit avec plaisir.

samedi 12 juillet 2025

La piel que habito (2011), de Pedro Almodóvar

 

C’est l’histoire, trouble et tortueuse, du chirurgien esthétique Robert Ledgard (Antonio Banderas). Traumatisé par la perte de son épouse, brûlée vive dans un accident de la route, il met au point une peau synthétique ultra-résistante aux piqûres d’insectes et aux brûlures, qui aurait pu la sauver. Il mène ses tests sur une cobaye, Vera (Elena Anaya), qui vit enfermée dans son manoir dans la région de Tolède. La seule personne à détenir ce secret est Marilia (Marisa Paredes), sa fidèle servante. On apprend aussi que Norma (Blanca Suárez), la fille de Robert, s’est suicidée après avoir été victime d’une tentative de viol par Vicente (Jan Cornet), un jeune styliste. Peu après, celui-ci disparait mystérieusement.

C’est un fait (et un bon point) : Almodóvar sait varier ses sujets, même si quelques thématiques reviennent souvent. Il murit aussi, c’est normal. Ici, il flirte avec le thriller et le fantastique. Y’a un peu de cul, évidemment (on ne se refait pas). Vingt-et-un ans après Attache-moi !, il retrouve son pote Banderas, parti entre-temps faire carrière aux « States ». Celui-ci campe donc un chirurgien jouant aux « apprentis sorciers », dans la veine de Frankenstein. Car (attention, spoiler) il va kidnapper le jeune homme ayant tenté d’abuser de sa fille, suicidée depuis, et le faire… changer de sexe contre son gré. Il fera ainsi « coup double » : il se vengera de l’agresseur de sa fille tout en créant une femme à l’image de son épouse décédée. Almodóvar étant gay, on ne s’étonnera pas que le thème de la transidentité lui tienne à cœur. Quant à y voir un acte « militant » (la thématique était à l’époque encore embryonnaire, moins d’actualité que de nos jours), je laisse à chacun le soin d’en juger en fonction de ses convictions. Quoi qu’il en soit, le film est psychologiquement assez dur et malaisant, d’autant que Banderas baisera avec sa « créature », ce que je trouve d’ailleurs un peu gros. Pour le reste, La piel que habito (La peau que j'habite, en français) est plutôt bon, voire excellent.

vendredi 11 juillet 2025

La vie rêvée des anges (1998), d’Erick Zonca

 

C’est l’histoire d’Isabelle (Elodie Bouchez) et de Marie (Natacha Régnier), deux jeunes femmes en galère qui se rencontrent à Lille, et de leur difficile apprentissage de la vie.

Je me souviens avoir vu ce film chez et avec mon pauvre daron, à l’époque où nous « écumions » Canal+ et les vidéoclubs (la chaine Vidéo Futur, pour ceux qui ont connu) pour nos soirées télé lors des fameux « un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires ». Petite charge émotionnelle, donc. J’avais par contre zappé que son duo d’actrices avait raflé les principaux prix (Cannes et Césars) et que le film avait lui aussi remporté le César du meilleur film. Des récompenses ma foi fort justifiées. Enfin un film français sur des prolétaires (à ce niveau, on peut même parler de « lumpenprolétariat »)… La bonne idée est de les faire incarner par deux jeunes actrices très peu connues, on y croit plus que si c’était Nathalie Baye et Fanny Ardant, si vous voyez c’que j’veux dire… Deux actrices remarquables, la belge quasi débutante Natacha Régnier et Elodie Bouchez, alias « Madame Bangalter » (maquée avec Thomas, né à Neuilly et moitié du duo Daft Punk, l’une des plus grosses arnaques musicales de ses cinquante dernières années), qui, elle, avait déjà obtenu un César du meilleur espoir féminin en 1995 pour Les roseaux sauvages de Téchiné. Elles portent le film sur leurs (très) frêles épaules. L’une (Bouchez) est bonasse, l’autre (Régnier) est plus revêche, les deux sont « à fleur de peau ». Elles sympathisent, enchainent les boulots merdiques, se lient à des videurs (dont Jo Prestia, le terrible Tenia du Irréversible de Gaspar Noé) et crèchent dans une baraque précédemment occupée par une jeune fille tombée dans le coma, Sandrine. Bouchez tombe sur le journal intime de celle-ci et se met bille en tête de rendre régulièrement visite à cette inconnue à l’hôpital quand Régnier, elle, s’embarque dans une histoire d’amour sans issue avec un mec qui la promène (scène de cul réglementaire : oui). Les relations entre les deux jeunes femmes se tendent et s’enveniment, Régnier devenant infecte, jusqu’à un épilogue nécessairement tragique. Je suis assez partagé concernant le « cinéma vérité » ou « social », Ken Loach ou les frères Dardenne, par exemple, sur le papier, c’est pas franchement « bandant ». D’un côté, je me dis que le cinéma est un médium qui se doit d’apporter une part de rêve et d’imaginaire (sinon, autant regarder un documentaire) et de l’autre, je me dis aussi qu’il ne doit rien s’interdire (comme tous les arts, d’ailleurs) et doit donc aussi pouvoir raconter la « vraie vie ». Cette histoire et ses protagonistes sont si touchantes et d’une telle humanité qu’ici, j’adhère pleinement.

jeudi 10 juillet 2025

Coup de torchon (1981), de Bertrand Tavernier

 

« Quand on se gratte les couilles, à partir de quel moment est-ce qu'on le fait parce que ça vous démange ou parce que ça vous fait plaisir ? »

C’est l’histoire de Lucien Cordier (Philippe Noiret), unique policier d'une petite ville coloniale d’Afrique-Occidentale française en 1938. Moqué de tous, humilié par son supérieur hiérarchique (Guy Marchand), il va se transformer en « ange exterminateur », tuant ceux qui l’ont méprisé (mais pas que) et faisant accuser d’autres de ses méfaits.

Coup de torchon est une adaptation du roman policier 1275 âmes de Jim Thompson, faisant partie de la collection Série noire. Tavernier a juste transposé l’histoire du Sud des Etats-Unis à l’Afrique coloniale française. On se dit alors qu’on va à nouveau assister à une œuvre destinée à « remettre une pièce » dans le jukebox de la repentance et de la mauvaise conscience, Tavernier faisant partie de ces réalisateurs (avec Louis Malle, Yves Boisset, Roman Polanski ou d’autres) habitués à ressasser les fameuses « pages sombres » de notre histoire, même si l’histoire coloniale fût évidemment bien moins souvent traitée sur grand écran que la Seconde guerre mondiale et l’Occupation, hors concours. Mais on n’aura qu’en partie raison car s’il y a bien quelques propos ou scènes allant dans ce sens, ce n’est heureusement pas le sujet principal du film, ça reste en arrière-plan. Quel est-il, alors ? On ne sait pas trop mais on peut raisonnablement pencher pour les tourments et le basculement d’un homme lassé d’être « trop bon, trop con ». Et bien malgré un casting royal (Noiret, Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Eddy Mitchell, Jean-Pierre Marielle dans un double rôle, Guy Marchand et, dans des petits rôles, François Perrot et Gérard Hernandez, excusez du peu !), on ne peut pas dire que tout ceci soit très passionnant. Quasiment de tous les plans, Noiret est un immense comédien mais un peu « con-con » dans le privé, j’ai bien peur : grand bourgeois un peu arrogant (costume avec mouchoir de poche, lunettes, cigare) et pas exempt de muflerie (ça joue dans La grande bouffe, ça a la « main baladeuse » sur le « panier » et à l’entrejambe d’Huppert – cf. l’affiche – mais ça fait sa mijaurée quand Brigitte Lahaie menace d’être sur le même plateau TV que lui…). Isabelle Huppert, ça fait drôle de la voir jeune, gouailleuse et… à poil. Putain quelle filmo, même dans des petits rôles (Dupont Lajoie, César et Rosalie, Les valseuses…), la meuf a toujours su se placer où il fallait, chapeau. Tavernier m’avait prodigieusement emmerdé avec son Dimanche à la campagne. Ici, c’est déjà mieux, plus vivant (beau quasi plan-séquence à la Steadicam derrière Huppert courant vers Noiret, assis dans sa cuisine) mais ce n’est pas encore l’extase. Je lui donnerai une dernière chance avec L’horloger de Saint-Paul, Le juge et l’assassin et La vie et rien d’autre, tous trois avec Noiret.

mardi 8 juillet 2025

Hot Spot (1990), de Dennis Hopper

 

C’est l’histoire d’Harry Madox (Don Johnson, oui, le mec de la série Deux flics à Miami), qui débarque dans une petite ville du Texas pour en dévaliser la banque. Il se fait rapidement embaucher comme vendeur de voitures chez un concessionnaire. Gloria (Jennifer Connelly), la comptable de l’entreprise et Dolly (Virginia Madsen), l’épouse de son patron, ne le laissent pas indifférent. Et c’est réciproque…

Terrible déception que ce film « noir » et « brûlant » (???)… Don Johnson est ce qu’il est convenu d’appeler un « chad », c’est-à-dire un « mâle dominant ». Ce qui signifie qu’il possède un grand pouvoir d’attraction sur la gente féminine. Ainsi, Jennifer Connelly et Virginia Madsen (sœur de Michael, tout récemment disparu) lui mettent le grappin dessus. Ou / et inversement. Le script avait pourtant tous les ingrédients nécessaires pour accoucher d’un bon film. Quel est le problème, alors ? Le rythme, essentiellement. Le film fait deux heures mais il en paraît davantage, ça se traine. Johnson « butine » donc de la douce brunette Gloria (Connelly) à la blonde volcanique Dolly (Madsen). Avec laquelle finira-t-il ? Vous le saurez si vous avez la patience d’aller au bout de ces 120 minutes et quelques, entre hold-up (presque) parfait, manipulations et accouplements torrides (mais pas trop). Même la bande originale, entre la guitare du bluesman John Lee Hooker et la trompette du grand Miles, toutes deux en sourdine, n’aura pas pu soulever mon enthousiasme…

lundi 7 juillet 2025

Nelly et Mr. Arnaud (1995), de Claude Sautet

 

C’est l’histoire de Nelly (Emmanuelle Béart), une jeune femme coincée entre problèmes financiers et un mari « tire-au-flanc » (Charles Berling). Par l’intermédiaire d’une amie (Claire Nadeau), elle fait la connaissance d’un retraité aisé, Pierre Arnaud (Michel Serrault). Celui-ci est en train d’écrire ses mémoires mais peu à l’aise avec l’informatique, il propose à Nelly de l’engager pour les dactylographier et lui fait même un gros chèque afin qu’elle puisse régler ses dettes. Une nouvelle vie commence pour la jeune femme, elle divorce de son mari et rencontre Vincent (Jean-Hugues Anglade), l’éditeur de M. Arnaud.

Suite et fin de la trilogie Sautet « dernière manière », après Quelques jours avec moi et Un cœur en hiver, avec deux Césars à la clé (meilleur réalisateur et meilleur acteur pour Serrault). Il n’y a pourtant pas de quoi grimper aux rideaux… Tout est téléphoné, on s’attend à tout avant que ça n’arrive. Les ingrédients d’un film de Claude Sautet ? Tout d’abord, une brasserie ou un café, élément indispensable, que le film se déroule à Paris (le plus souvent), à Limoges ou à Trifouilly-les-Oies. Mettez de bons ou grands acteurs (deux, parfois trois) autour d’une table, faites-les parler de tout, de rien et surtout d’amour. A un moment dans le film, il faudra qu’il y ait une dispute, ne serait-ce que pour réveiller les spectateurs qui se seraient assoupis. Mais n’ayez crainte, tout finira par un « happy end » ou bien sur une note « douce-amère ». Bon, et à la fin, il l’a « ken » ? Ben non, vu la différence d’âge, ça reste une relation purement platonique. Bertrand Blier aurait osé mais pas le sage Claude Sautet…

P.S : pour info, « Mr. », ça veut dire « Mister ». L’abréviation française de « Monsieur » est « M. ».

dimanche 6 juillet 2025

La cérémonie (1995), de Claude Chabrol

 

« Il est à Mélinda, c’est Jérémie qui lui a offert pour son anniversaire. » - « Ben justement, elle n’en aura plus besoin. »

C’est l’histoire de Sophie (Sandrine Bonnaire), qui est engagée comme domestique (oui, « encore » en ce 20ème siècle finissant… Ils voudraient pas qu’on les aide aussi à se torcher, non ?) dans la demeure bretonne de la famille Lelièvre (Jean-Pierre Cassel, Jacqueline Bisset, Virginie Ledoyen et Valentin Merlet). Elle se lie d’amitié avec Jeanne (Isabelle Huppert), la postière du village, qui voue une détestation forcenée à cette famille (sentiment réciproque pour ce qui est du père de famille, qui a constaté son insolence et son incompétence) et plus généralement aux bourgeois. Peu à peu, cette dernière monte Sophie contre ses employeurs. On apprend aussi que les deux femmes ont un passé trouble.

Je l’avoue sans honte : La cérémonie, ou plus précisément son atroce et gerbant épilogue, m’a bien plus traumatisé, ou du moins hanté durablement après visionnage, que nombre de films d’horreur ou même Seven, Shining, Psychose ou Les dents de la mer, classiques de ma DVDthèque depuis « digérés ». Sans doute car l’horreur se déploie ici dans un cadre plus réaliste et qu’elle y est glaçante. Il est vrai aussi que je suis d’un naturel (très) sensible et ça ne s’arrange pas avec l’âge, bien au contraire. Quoi qu’il en soit, qui aurait cru que ce sentiment d’effroi puisse surgir d’une œuvre du jovial Claude Chabrol, figure de proue de la fameuse (et fumeuse ?) « Nouvelle Vague » dont il disait qu’« il n’y a pas de Nouvelle Vague, il n’y a que la mer » et fin observateur (et peintre) de l’univers feutré de la petite bourgeoisie de province ? Quoique, en jetant un coup d’œil à sa foisonnante filmographie, on ne s’en étonnera finalement pas tant que ça (Que la bête meure, Le boucher, Violette Nozière, Les fantômes du chapelier, L’enfer…Du déjà bien « flippant »).

Mais pour tout dire, je n’y crois pas tellement, à cette histoire. Ce n’est pas moi le psy, c’est Caroline Eliacheff, coscénariste, mais je trouve qu’il manque une gradation dans la tension, une ou deux scènes supplémentaires pouvant « expliquer » le passage à l’acte. A aucun moment dans le film, on ne s’attend à voir les deux femmes sombrer dans la folie meurtrière, même quelques instants avant le drame. Les Lelièvre ne sont pas particulièrement odieux, notamment Virginie Ledoyen, très prévenante et s’ils se laissent parfois aller à quelques remarques blessantes en privé, c’est davantage par réflexe de classe que par réelle méchanceté. Et puis j’aurais vu l’explosion de cette rage contenue s’accompagner d’une intensité vocale et sonore ad hoc. Or, pas du tout, les deux femmes sont d’une froideur, d’un détachement, d’un cynisme inouïs, comme si elles accomplissaient un acte tout à fait banal et anodin. Là est d'ailleurs peut-être le plus choquant. Les seules émotions qui transparaissent chez Bonnaire sont la peur panique lorsqu’elle est directement confrontée à son handicap (elle est analphabète, c’est justement cette découverte par Ledoyen qui sera le déclencheur de l’engrenage meurtrier) et quelquefois la joie avec Huppert. Sinon, elle donne du « je sais pas », « j’ai compris » ou du « bien Monsieur / Madame / Mademoiselle » à tire-larigot. Huppert (César de la Meilleure actrice, son premier, elle en obtiendra un autre en 2017 pour le Elle de Verhoeven), elle, est plus expressive et dévergondée, plus sournoise (et toxique !) aussi.

Le film, librement inspiré de la célèbre « affaire des sœurs Papin » de 1933 (j’invite ceux qui pensent que la violence est l’apanage de notre société contemporaine à y jeter un… œil, c’est le cas de le dire…), a beaucoup été « vendu » comme le « dernier film marxiste ». Soit. Les différences de classes sociales sont ici exprimées, voire surlignées, par le prisme des goûts culturels : aux bourges l’opéra et la littérature, aux prolos les films commerciaux (« avec Paul Newman ») et la « télé-poubelle ». Mais il y a d’autres thématiques, comme l’effet d’entrainement avec l’attitude « pousse-au-crime » insidieusement instillée par le personnage d’Huppert. J’ajouterais aussi le lesbianisme entre les deux héroïnes, qui m’apparait sinon évident, au moins envisageable en filigrane (rires sur la couette, baisers sur la joue appuyés).

J’ai bien fait de revoir le film et surtout de lire sa fiche Wikipedia car un élément du final m’avait complètement échappé lors de mon premier visionnage. En effet, je n’avais pas saisi que le radio-cassette qu’emporte Huppert après le carnage avait enregistré son aparté avec Bonnaire à l’issue de celui-ci (les Lelièvre ayant souhaité enregistrer l’opéra de Mozart qui passait à la télé à ce moment-là). Ainsi, je pensais que la police, retrouvant l’appareil dans sa voiture accidentée, lui ferait porter l’entière responsabilité du crime à titre posthume, Bonnaire s’en tirant à bon compte. Mais avec l’enregistrement de la discussion des deux femmes, signant leur complicité, c’est différent. Une fin morale, donc, l’une mourant dans un accident de voiture, l’autre n’échappant vraisemblablement pas à une future interpellation mais bien trouvée grâce à l’astuce du radio-cassette et suffisamment implicite.

vendredi 4 juillet 2025

Quelques jours avec moi (1988), de Claude Sautet

 

« Personnellement, j’ai toujours été socialiste et partisan d’une économie libérale. »

C’est l’histoire de Martial (Daniel Auteuil), PDG dépressif d’une chaîne de supermarchés. Il se rend à Limoges afin de contrôler les comptes du magasin local, géré par Monsieur Fonfrin (Jean-Pierre Marielle). Invité à diner chez ce dernier, il s’entiche instantanément de sa jeune domestique Francine (Sandrine Bonnaire), à qui il propose de vivre quelques jours avec lui, en échange de pouvoir s’offrir tout ce qu’elle souhaite.

Cinq ans après l’échec critique de Garçon !, Sautet change tout. Enfin, « tout »… Exit Dabadie au scénario et Piccoli, Montand ou (forcément) Schneider comme acteurs fétiches, place à une nouvelle équipe. Il s’entoure de Jacques Fieschi et Jérôme Tonnerre comme coscénaristes et fait appel à la génération montante de comédiens. Mais bon, c’est un film français classique de ces années-là, qui sent bon les « eighties » et la « France profonde ». On retrouve Daniel Auteuil et Sandrine Bonnaire dans des registres plus légers que ceux de Caché ou La cérémonie (dont je toucherai un mot bientôt). Le premier joue comme souvent un homme énigmatique et peu disert et la seconde interprète déjà une domestique. Le PDG qui s’éprend de la bonniche, y’a qu’au cinéma qu’on voit ça mais c’est son principe et même son rôle. Suivre cette femme l'entrainera à côtoyer son entourage, pas toujours recommandable, en particulier le petit escroc « Rocky ». Belle galerie de seconds rôles (Dominique Lavanant, Vincent Lindon, Dominique Blanc, Danielle Darrieux…), avec évidemment une mention particulière pour l’immense Jean-Pierre Marielle, qui campe un directeur de supermarché hâbleur et un peu magouilleur sur les bords (et Macroniste avant l'heure...). Rien de réellement rédhibitoire ici, ni de franchement transcendant non plus, juste un honnête divertissement de début de soirée (non, pas le duo auteur de l’inénarrable Nuit de folie…).

Caché (2005), de Michael Haneke

 

C’est l’histoire de Georges (Daniel Auteuil), journaliste littéraire à la télé et de sa femme Anne (Juliette Binoche), qui reçoivent à leur domicile de curieux dessins sanguinolents et cassettes vidéo anonymes, montrant leur maison filmée en plan fixe depuis la rue d’en face, une maison de campagne où Georges a passé son enfance et le couloir d’un immeuble de Romainville. La police ne pouvant leur venir en aide face à l’absence d’agression et de revendication, Georges va mener sa propre enquête.

Monsieur Haneke me semble être quelqu’un de torturé, voire de dérangé. Il reconnait lui-même dans le « making-of » que faire des films lui fait économiser des séances de psy. Dans La pianiste, Isabelle Huppert regardait des films pornos en humant les kleenex maculés de sperme des spectateurs précédents et soulageait sa vessie en matant des couples faisant l’amour dans leur bagnole. Ici, il n’est pas question de cul, il nous prend littéralement « en traitre » avec deux scènes soudaines d’une extrême violence (l’affiche donne un léger indice). Comme dans la plupart des films français, le couple incarné par Auteuil et Binoche évolue dans un milieu bourgeois « bobo » (il n’y a guère que Lindon pour jouer les prolos, c’est même devenu un filon). Et comme toujours ou presque, les dialogues sont parfois difficilement audibles, même sans musique, entre celles et ceux qui ont la voix sourde ou qui parlent entre leurs lèvres. Mais comme ils sont souvent d’une banalité reflétant celle du quotidien (du type « tu veux du parmesan sur tes pâtes ? »), ce n’est pas excessivement gênant. Concernant l’histoire, on jongle entre différentes thématiques (mensonges au sein du couple, secrets d’enfance, mauvaise conscience post-coloniale qui tombe comme un cheveu sur la soupe…) et l’on ne voit pas très bien où veut nous mener le cinéaste, la fin nous laissant également dans l’expectative. Je n’ai rien contre les œuvres qui questionnent et vont à rebours du « prémâché », au contraire, mais qu’on me donne au moins quelques pistes de réflexion crédibles et des branches auxquelles me raccrocher… Là, c’est vraiment trop flou.

P.S : pour les adeptes de pèlerinage sur les lieux de tournage, la baraque du couple Auteuil – Binoche se trouve au 49 de la rue Brillat-Savarin dans le 13ème arrondissement de Paris.